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L’homme des Mémoires d’outre-tombe

Vivement critiqué par les spécialistes de Chateaubriand lors de sa publication, au début de 1965, ce livre fait partie de ce qu’on pourrait appeler les « portraits rectifiés » de Guillemin.

Il ne s’agit pas pour lui de dénigrer l’écrivain, artiste admirable, mais d’aller au-delà du « personnage grandiose et drapé qu’il se plaît, la plupart du temps, à dresser sous nos yeux » et de l’atteindre « dans sa vérité humaine » (c’est le sens même du titre) ; or, « si nous lisons vraiment, d’un bout à l’autre, et avec attention, ses Mémoires d’outre-tombe », nous le pouvons.

Le mot de l’éditeur Hetzel traitant Chateaubriand de « fameux lapin », Guillemin le reprend avec gourmandise, et pas seulement à propos de ses amours ; mais là même se lit paradoxalement son affection pour l’homme, « tricheur, hâbleur, vorace et charmant ».

Les universitaires ont eu raison de lui reprocher le peu de rigueur avec lequel il a établi le texte des fragments inédits des Mémoires qui terminent son livre, mais ce qui doit nous retenir à la lecture du volume dans son entier, c’est la liberté souveraine d’un admirateur indépendant à tous égards.

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A vrai dire

Rétablir la vérité est une des obsessions d’Henri Guillemin. Il s’y atèle dans le domaine de l’Histoire littéraire, en dénonçant un certain nombre de légendes qui ont la vie dure. Il le fait avec le luxe de détails qui caractérise son travail.

Est-il juste de dire que Rousseau s’est élevé contre l’affirmation d’un péché originel ? pas tout à fait… Hugo passe pour un des pères fondateurs de la Troisième République qu’il a appelé de ses vœux ? mais si on y regarde de plus près…George Sand clame haut et fort la fidélité de son engagement socialiste ? oui, mais, la Commune change bien des choses…Gide fait de la sincérité le fil rouge de son œuvre ? Cette sincérité est bien sélective….

Et Guillemin nous réserve encore bien des surprises sur Chateaubriand, Lamartine, Fromentin, Rimbaud.

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Claudel et son art d’écrire

Henri Guillemin a bien connu Claudel ; mais il l’a aussi lu avec une admiration sans pareil. Et, dans cette étude consacrée à l’art d’écrire de Claudel, il nous propose une étude détaillée du style, de la technique et des intentions de celui qu’il considère comme un des plus grands poètes de langue française. C’est la première et l’unique fois où Guillemin se livre à cet exercice.

Et il nous fait partager son bonheur : »bonheur d’entendre ces sons justes, d’accueillir en soi cette mesure que rie n’enseigne et qui ne relève que de l’instinct; bonheur de découvrir ces merveilles, la plupart du temps toutes simples (…) ces trouvailles qui suspendent ‘tout à coup le battement de notre cœur’. »

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Cette affaire infernale

Les philosophes contre Jean-Jacques : le sous-titre de ce livre de 1942 en dit l’axe. Pour Guillemin, le séjour malheureux de Rousseau chez son confrère écossais Hume, en 1766, marque le moment de son rejet définitif par Voltaire et ses suiveurs. Pourquoi ?

Parce que Rousseau est chrétien. Pas un chrétien de façade (on ne s’en formaliserait guère), mais un homme qui croit « tout de bon à l’Évangile », qui « est de la race haïssable des crieurs de Dieu », et dont on ne saurait donc s’encombrer dans la lutte nécessaire contre « l’Infâme ».

Ce que Guillemin met en avant chez ce Rousseau aussi naïf que susceptible, c’est sa dignité, sa droiture : quand il adresse à Hume (qui le diffusera) le mémoire dans lequel il tente de se défendre, il sait bien que c’est inutile ; mais voilà : « Savoir d’avance le prix qu’il en coûtera d’être loyal avec un fourbe n’est point une raison suffisante pour se dispenser d’agir comme on doit ».

Guillemin a choisi dès ce livre son camp spirituel et politique, car des certitudes de Rousseau aux convictions de Robespierre et à l’interprétation de la Révolution, il n’y a plus qu’un pas à franchir, longuement mûri au fil des conférences et dont la synthèse s’épanouira dans le Robespierre si rousseauiste de 1987.