Introduction
Comme c’est l’usage depuis la création de LAHG, le colloque s’ouvrira, comme il se doit, par une présentation introductive visant à replacer les travaux d’Henri Guillemin sur les rapports entre dominants et dominés dans leur perspective historique, afin d’expliciter sa vision des « Gens de biens/Gens de rien », son expression fétiche.
Puis le colloque se déroulera de manière à faire le point sur la situation, aujourd’hui, des « Gens de Biens et des Gens de Rien ».
Pour cela il est nécessaire de poser au préalable le cadre général de la problématique dans lequel vont se déployer les différents exposés.
A commencer par définir les termes de « néolibéralisme », de « ultralibéralisme », voire de « ultralibéralisme libertarien ».
C’est le sens de l’intervention de Michel Cabannes qui s’intitule L’inspiration ultra-libérale des politiques économiques : origines, applications, implications.
Elle présentera les origines historiques de ce régime politique et économique, ses raisons d’être, ses effets et ses conséquences sur l’ensemble des populations.
Michel Cabannes a publié :
« La gauche à l’épreuve du néolibéralisme », Le Bord de l’eau, Lormont, 256 p, 2015.
« La trajectoire néolibérale. Histoire d’un dérèglement sans fin », Le Bord de l’eau, 186 p. 2013.
« Les finances locales sur la paille ? Des vaches grasses aux vaches maigres ». Le Bord de l’eau, 152 p, 2011.
« Les politiques conjoncturelles », Armand Colin, collection Synthèse, 96 p., 1998.
« Introduction à la macroéconomie », Armand Colin, collection Cursus, 182 p., 1995.
« La politique macroéconomique », Armand Colin, collection Cursus, 182 p., 1994.
Interview exclusive de Michel Cabannes
Comme nous l’avons fait pour nos précédents colloques, afin de permettre à nos adhérents et abonnés de mieux vous connaître, cette première question : pouvez-vous vous présenter ?
Je suis universitaire à la retraite. J’étais maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux (ex université Bordeaux Montesquieu). J’étais membre du Groupe de recherches en économie théorique et appliquée (GRETHA). J’ai travaillé principalement dans les domaines de la macroéconomie, des politiques économiques comparées, des finances publiques et des finances locales. Cela a donné lieu à la publication de six ouvrages.
En marge de la vie professionnelle, j’ai été élu local (1989-2014), comme adjoint au maire de Pessac (Gironde), chargé du budget et des finances. J’ai été également membre du Conseil économique social et environnemental régional d’Aquitaine (2001-2007), pour lequel j’ai fait des rapports sur des indicateurs de l’économie régionale.
Je participe actuellement à plusieurs associations, notamment sous la forme de conférences sur des thèmes économiques et sociaux. Je suis un des animateurs du Café économique de Pessac qui existe depuis 2003.
Vous faites partie du groupe de recherche appelé « Les économistes atterrés ». Pouvez-vous nous en dire plus sur ce groupe : ses axes de recherches, sa raison d’être, son histoire.
L’association « Les économistes atterrés » a pour but d’impulser la réflexion collective en économie pour animer le débat citoyen. Elle regroupe des économistes hétérodoxes d’orientations diverses mais qui ont en commun de s’opposer au libéralisme économique et de considérer que d’autres politiques sont possibles (autres que celles qui prévalent depuis plusieurs décennies).
Elle a été crée en 2010 sur la base d’un Manifeste en réaction aux politiques économiques européennes qui, peu après la crise de 2008, choisissaient l’austérité au risque de faire replonger les économies dans la récession et le chômage massif.
L’association publie régulièrement des analyses sur de nombreux sujets et des livres proposant des politiques alternatives (ex. sur la dette publique ou sur les besoins à satisfaire) ; elle organise aussi périodiquement des conférences et anime des blogs sur les sites d’Alternatives économiques et de Mediapart.
Qu’est-ce qui vous a amené à consacrer votre travail dans le domaine de l’économie critique ?
Il m’est apparu que l’économie orthodoxe ne permet pas de comprendre le fonctionnement de l’économie et de la société (absence des rapports sociaux, caractère réducteur des comportements formalisés, etc.).
Cette approche occulte les phénomènes de domination et d’exploitation, ce qui sert les intérêts des catégories sociales privilégiées.
Elle est également très insuffisante pour traiter les enjeux écologiques. L’économie dominante sert à justifier des politiques à l’efficacité économique discutable et aux effets sociaux et écologiques délétères.
Ayant été chargé de plusieurs cours sur les politiques économiques à partir des années 1980, j’ai suivi leur évolution à l’inverse d’une satisfaction équilibrée des besoins de la population dans les pays développés et à l’échelle mondiale. Elles ont contribué ainsi à retarder la résolution des problèmes économiques, sociaux et écologiques qui s’accumulent.
L’enseignement et la recherche en économie sont depuis de nombreuses années, régis par une doxa intangible qui conduit à l’envisager et à l’enseigner sous l’angle quasi unique des mathématiques. Comment avez-vous réussi à vous imposer en tant qu’enseignant en économie hétérodoxe à l’université ?
La montée de l’économie mathématique est utile pour faire progresser la connaissance en permettant de tester des régularités statistiques, d’écarter certaines hypothèses et d’en valoriser de nouvelles. Mais son utilisation actuelle est discutable : elle sert de principal critère de sélection des travaux de recherche au détriment d’autres travaux utiles ; elle permet souvent d’occulter des aspects théoriques ; elle fait reculer le pluralisme des approches en économie.
Dans mon université, dans les domaines qui m’ont été confiés, j’ai bénéficié d’échanges productifs avec d’autres collègues partageant les mêmes préoccupations et je n’ai jamais eu à subir des interférences de la part des autorités qui auraient restreint ma liberté.
Connaissez-vous les travaux d’Henri Guillemin ?
Henri Guillemin était un intellectuel très actif sur plusieurs fronts. Formé à l’Ecole normale supérieure et agrégé de lettres, il est devenu professeur d’université. Il a écrit une œuvre considérable dans les domaines de l’histoire et de la littérature. En outre, il était également conférencier, homme de radio et de télévision en France et en Suisse où il a eu beaucoup d’influence.
Chrétien de gauche, il était proche de Marc Sangnier, créateur et animateur du mouvement Le Sillon, ainsi que de François Mauriac. Il était sensible aux injustices et au fossé entre les catégories sociales.
Ses travaux sur des personnages historiques (tels que Jaurès, Robespierre ou Voltaire) mettaient l’accent sur leur positionnement moral par rapport aux problèmes sociaux. Cela donnait lieu de sa part à des avis tranchés, ce qui a pu susciter parfois des controverses avec d’autres historiens.
Son approche et son style lui ont valu durablement une large audience auprès du public.
Sans déflorer le contenu de votre exposé au colloque, pouvez-vous, en quelques mots, nous indiquer comment sera structurée votre intervention, ses lignes de force ?
En quelque sorte, mettez-nous l’eau à la bouche !
Le néolibéralisme (qualificatif souvent retenu) est né durant l’entre-deux guerres en Europe pour rénover le libéralisme économique en difficulté ; après la IIème guerre mondiale, sa diversité initiale a fait place à l’ultralibéralisme hégémonique inspiré notamment par Hayek et Friedman. Cette approche l’a emporté auprès des « élites » sur le keynésianisme lors de la crise du compromis social dans les années 1970.
La « néo-libéralisation » des politiques économiques depuis le début des années 1980 (libération des forces du marché, « constitutionnalisme économique », pressions sur les budgets publics et sociaux) a conduit à l’émergence d’un capitalisme néolibéral, financiarisé et mondialisé avec un Etat social persistant mais contesté.
Les implications de cette mutation ont été favorables au capital et aux plus riches, mais néfastes au plan économique (absence de « ruissellement »), destructrices au plan social (inégalités et précarité accrues), néfastes pour la société (lien social) et pour la vie politique (défiance, populisme).
Les difficultés des 20 dernières années conduisent à des transformations des politiques.
D’une part, la néo-libéralisation interne persiste avec des interventions de l’Etat pour sauver le système économique, et même s’accentue avec parfois l’émergence de libertariens au pouvoir.
D’autre part, la néo-libéralisation internationale régresse avec le coup d’arrêt donné à la mondialisation y compris par ceux qui l’avaient promue.

Illustration sardonique du principe du ruissellement des riches vers les pauvres, fondement de la théorie économique néolibérale.
Cette création numérique porte aussi le titre de
Tsunami ou L’Hybris ultralibéral
Illustration également sardonique en référence au mythe des Grecs antiques de l’Hybris, cet énorme orgueil humain à vouloir dominer la Nature et l’Ordre de l’Univers, une prétention forcément impossible et inéluctablement frappée de catastrophes.
Image de synthèse, auteur inconnu, publiée dans le média numérique indépendant Cointribune, media spécialiste dans l’actualité financière des blockchain.
Sur quels travaux, projets, travaillez-vous en ce moment ?
Je travaille principalement sur la domination de l’idéologie néolibérale sur l’économie et sur la société et les possibilités de son dépassement.
Alors que la victoire du capitalisme est incontestée à l’échelle du monde après l’échec des économies planifiées, j’aborde les rapports complexes entre ce système et la démocratie au vu des tendances récentes et j’explore les possibilités de dépassement du capitalisme.
Le colloque mode d’emploi
Le programme :
Le programme détaillé est prêt. Pour découvrir les intervenants qui, à travers leurs exposés, actualiseront le clivage « Gens de biens/Gens de rien ; Silence aux pauvres », cliquez ici.
Lieu et date :
Comme les précédents, le prochain colloque se déroulera dans la salle Dussane de l’Ecole Normale Supérieure (ENS – Ulm). Concernant la date, nous sommes toujours tributaires des règles administratives de l’ENS qui ne peut confirmer les demandes extérieures qu’à la fin du mois d’août. Nous avons demandé quatre dates avec ordre de priorité suivant :
Priorité 1 : Samedi 15 novembre 2025
Priorité 2 : Samedi 29 novembre 2025
Priorité 3 : Samedi 8 novembre 2025
Priorité 4 : Samedi 11 octobre 2025
Dès fin août/début septembre, quand la date définitive aura été fixée, nous diffuserons une newsletter présentant tous les détails pour assister.
Modalités d’inscription :
Aucun changement par rapport aux colloques précédents. S’inscrire au colloque se fait toujours par Internet, sur un site dédié, entièrement sécurisé. Ce site sera ouvert dès début septembre.