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14 juillet 1789 : leçons d’Histoire

Caricature des trois ordres. Eau-forte en couleur imprimée à Paris sans nom en 1789 – Musée Carnavalet Paris – Couverture de la première édition chez Arléa, mai 1989. Réédition chez Utovie en 2012.

Gens de biens, gens de rien

A travers cette expression en forme de jeu de mot, qui constitue l’un des fils directeurs traversant l’ensemble de ses travaux, Henri Guillemin a toujours projeté une lumière crue et directe sur cet invariant historique : les rapports de classes, donc de force, entre les possédants, ceux qui ont des biens, une minorité, et ceux qui n’en ont pas ou très peu, la majorité. Il dénonçait aussi avec la même vigueur l’acharnement déployé par les classes dirigeantes pour sauvegarder et même accroître leurs richesses, utilisant pour cela un arsenal de stratagèmes, mensonges et compromissions dirigés contre le peuple pour le déposséder des moyens nécessaires permettant d’établir une justice sociale et politique légitime.

Cette dénonciation, Henri Guillemin la développa avec une singulière colère en 1989 au moment des festivités du Bicentenaire dans Silence aux pauvres ! Un libelle au titre clair et sans ambages. (Pour aller dans la bibliothèque, cliquer ici)

Avec cet ouvrage, Guillemin mit un bon coup de pied dans le consensus mou qui présidait alors aux festivités totalement inspirées par les écrits de l’historien alors en vogue, François Furet, auteur de Penser la Révolution française. Dans ce livre, en effet, Furet s’opposait frontalement à l’historiographie universitaire jusque-là ancrée à gauche, reposant entre autres sur les travaux d’Albert Mathiez, Georges Lefebvre, et Albert Soboul.
Sa thèse cherchait à montrer que la Révolution française n’était que la matrice des totalitarismes modernes. Dans le contexte géopolitique de la fin des années 1980 marqué par la chute de l’URSS et le triomphe du néo-libéralisme, Furet, ancien communiste, se coula avec une étonnante rapidité dans le moule de la pensée dominante, ce qui lui valut en retour gloire et célébrité ; l’élémentaire vérité historique passant au second plan ; une tactique toujours en vogue aujourd’hui.

Silence aux pauvres !, si Guillemin ne le nomme jamais, il cherchait clairement à démonter les thèses de Furet en s’opposant avec la plus grande vigueur au consensus contre-révolutionnaire de l’époque qui visait à faire passer la période emblématique 1792–1794 pour un malencontreux et déplorable dérapage.
Ainsi, fidèle à son indéfectible engagement, Guillemin contredisait les idées dominantes, à la fois médiatiquement et politiquement.

Qu’on en juge sur pièces et laissons la parole à Henri Guillemin.
Voici, ci-dessous la retranscription de son avant-propos. (Les références de pagination sont celles de l’édition Arléa)

J’avais pensé à Eloge des vaincus. Mais il fallait avoir lu mon petit texte pour comprendre ce titre-là : les vaincus ? Ceux que liquida le 9 thermidor, avec, en quarante-huit heures, la plus belle fiesta de la guillotine, plus de cent dix têtes coupées le 10 et le 11. Ceux qui avaient cru en la Révolution, en une révolution où non pas seulement seraient changées les structures, mais d’abord et avant tout serait modifié le regard de l’homme sur la vie, et l’emploi de ses jours. Immédiatement limpide, en revanche, ce titre : Silence aux pauvres !

Deux raisons m’ont comme poussé par les épaules pour me dicter ce…..quoi ? Dirai-je, à la cuistre, ce précis des événements qui se déroulèrent chez nous de 1789 à 1799, ce résumé didactique de la Révolution ?
Premier mobile : l’état violent d’ « insupportation » (ce néologisme est de Flaubert) que je dois à l’étalage tintamarresque et péremptoire d’une doctrine où la Révolution, d’une part, se dilue sur près d’un siècle, et d’autre part – c’est ça la grande trouvaille – dérape (tel est le mot-clé, le mot de passe, le label d’initiation), dérape, oui, très vite ; dès la Législative, le mal est fait ; autrement dit, la sagesse eût été un gouvernement à la Louis-Philippe. Et donc la République relève d’un dérapage. Pas mal, non, pour le Bicentenaire ? Original en tout cas.

L’autre mobile qui s’est emparé de mon stylo pour lui donner la fièvre, c’est l’affaire de la Propriété, dont je trouve qu’on l’oublie un peu trop dans les récits et commentaires usuels sur la Révolution. Ce qu’il faut savoir, et capitalement, c’est que, dès la réunion des Etats généraux, une grande peur s’est déclarée chez les honnêtes gens – formule, je crois bien, que nous devons à La Fayette ; honnêtes gens = gens de bien, gens qui ont du bien, des biens ; au vrai, les possédants, face à ceux que l’on va exclure du droit de vote et de la garde nationale, les non-possédants, les gens de rien.
Robespierre est un des rares – des très rares – révolutionnaires à souhaiter chez les exploités (des champs et des villes) une conscience-de-classe. Il n’y parvient pas. Trop tôt. Attendons l’expansion industrielle du siècle suivant et les concentrations de prolétaires.
En revanche, chez les gens de bien, elle est là, dès 89, la conscience-de-classe, vivante, je vous l’assure, lucide, effarée, agressive ; il n’est, pour s’en rendre compte à ravir, que de regarder et d’écouter madame de Staël, Sieyès, Barnave et cent mille autres. Et tout va se jouer sur ce sujet même, avec l’épouvante (croissante pendant plus de cinq ans) de ceux qui ont en présence de ceux qui n’ont pas, qui n’ont rien et qu’il s’agit à tout prix (et constamment) de surveiller et de contenir d’abord par le déploiement avertisseur de la force, le 14 juillet 1790, ensuite par son usage crépitant et persuasif, le 17 juillet 1791.

Les trois assemblées qui vont gouverner jusqu’au Directoire : l’Assemblée nationale, la Législative, la Convention, seront toutes les trois – la Convention aussi – composées de propriétaires.
La première, au lendemain des émeutes rurales de juillet 1789, aura soin de doter la Propriété d’un attribut inédit, renforcé, solennel. Et nous admirerons Danton, le jour même où la Convention tiendra sa première séance, apportant au soutien de la fortune acquise un adverbe inattendu, et grandiose (*). Odieux, intolérable, ce Robespierre qui ose, en avril 1793, proposer une limite officielle au droit de propriété. Il est fou ; un malfaiteur, un anarchiste.(**)

Enfin, les honnêtes gens vont respirer le 9 thermidor. Quelle délivrance ! Ne s’est-on pas risqué, au Comité de Salut public (automne 93), à intervenir dans l’ordre économique – établissement d’un maximum pour les prix des denrées – alors que le dogme des Girondins comportait une abstention rigoureuse, absolue, de l’État en ce domaine. C’est la Convention – eh oui ! Elle-même -, ayant repris son vrai visage et jeté le masque qu’elle s’imposait par effroi des robespierristes, qui va saluer d’acclamations Boissy d’Anglas énonçant, à la tribune, cette vérité fondamentale : « un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre naturel ».

Imparfaite, insuffisante, la rectification thermidorienne. Le principe républicain subsiste, redoutable en soi quant à l’essentiel. Brumaire fermera la parenthèse sinistre ouverte par le 10 août 92 et le suffrage universel. Plus d’élections du tout, ni de République, mais le bonheur, la béatitude reconquis par Necker et ses amis banquiers.
A la niche, une bonne fois, les gens de rien.

(*) Ce passage est explicité page 90 :
« La Convention a tenu sa première séance le 21 septembre, et Danton prononce un discours où figurent les mots-clés qu’exige le moment : « Peuple français, sois rassuré ! Voici la République. Tu n’as que des bienfaits à attendre d’elle, et quant aux propriétés, quelles qu’elles soient, elles seront éternellement respectées, protégées ». Cet adverbe est inusuel dans la langue juridique. Mais, pour l’apaisement des esprits au lendemain d’une aventure pareille à celle du 10 août, rien ne saurait être excessif dans la solennité des promesses concernant la fortune acquise, sa liberté d’accroissement et sa pleine sécurité. »

(**) Ce passage est détaillé page 99 :
« En ce même mois d’avril 93, Robespierre horrifie les honnêtes gens en réclamant, dans la nouvelle Déclaration des droits de l’Homme, l’insertion d’un article qui limiterait le droit de propriété. L’argumentation de Maximilien est toute simple : vous n’avez pas aboli l’esclavage dans nos colonies, la traite des Noirs subsiste ; demandez à un négrier ce qu’est ce bateau (« je me trompe, disait Robespierre, ce cercueil flottant ») dans lequel sont entassés des hommes, des femmes et des enfants à la peau noire et dont beaucoup meurent en route, il vous répondra calmement : « Ceci est ma propriété ». Eh non ! Nul homme ne saurait être propriétaire d’un autre homme. De même que la liberté a pour limite la liberté d’autrui, de même il faut que la loi interdise tout usage du droit de propriété qui porterait atteinte à la vie ou à la dignité d’êtres humains.
Robespierre a touché à l’Arche, l’arche sainte, cette Propriété devenue sacrée depuis le 26 août 1789. Il a commis le crime que la Convention ne peut tolérer ; elle décidera donc, contre lui, que l’article concernant la propriété sera rédigé – voté – comme suit : « Le droit de propriété est celui de jouir et de disposer à son gré de ses biens ». A la bonne heure. »

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En 2024, les choses ont-elles fondamentalement changé ? Un tour d’horizon sur la situation d’aujourd’hui donne immédiatement la réponse.
C’est pourquoi, à la suite d’Henri Guillemin, il est naturel de se demander quels sont les nouveaux visages de ces gens de biens. On sait qu’ils participent d’un système transnational, financier, ultra minoritaire et pour autant déterminant. Mais qui sont-ils, où sont-ils en réalité. Quelle est l’histoire de leur domination, comment opèrent-ils ?
De même, il est pareillement légitime de connaître les nouveaux mécanismes d’asservissement subis par les gens de rien ou de peu. L’appauvrissement n’opère pas seulement sur le plan salarial. Il travaille aussi en profondeur les domaines intellectuels, culturels, éducatifs, professionnels, sociaux, politiques, et touche aussi bien la santé, la représentation démocratique que les medias. Quelle est la réalité de cette inégalité généralisée ? Comment fonctionne le Silence aux pauvres en 2024 ?

Ces questions forment le thème central de notre prochain colloque prévu à l’automne 2025.
Il s’agit d’un important sujet de pleine actualité, dont les domaines d’investigation sont très vastes, riches et nombreux. Nous y travaillons d’arrache-neurones et ne manquerons pas de vous informer de l’avancée de nos travaux.

Complément n° 1

Au delà du 14 juillet, parler de la Révolution, impose de rappeler deux autres ouvrages importants d’Henri Guillemin.

Le premier, incontournable, s’intitule 1789-1792 / 1792-1794 : Les deux Révolutions françaises. Indispensable complément à Silence aux pauvres, il s’agit des textes d’une série de conférences données à la Radiotélévision belge en 1967.
Pour Henri Guillemin, en 1789, on assiste à une révolution des gens de bien, qui doit permettre à la bourgeoisie d’affaires d’accéder au pouvoir, quitte à le partager avec l’aristocratie dans le respect d’un certain ordre social. La vraie Révolution, populaire, qui se préoccupe réellement des classes pauvres, du Quart Etat, restait à venir. Elle aura vécu de 1792 à 1794 et sera liquidée avec la mort de Robespierre. C’est donc de ces deux Révolutions françaises que traite ici Henri Guillemin, en bousculant singulièrement les idées reçues. Pour en savoir plus, cliquez ici.

Le deuxième, tout aussi essentiel est Robespierre politique et mystique. Pour en savoir plus, cliquez ici

En continuant avec Robespierre, le premier et le plus jeune Homme d’État que la France ait connu, le troisième ouvrage que nous proposons est Robespierre et la république sociale d’Albert Matthiez.
Il s’agit d’un recueil présenté par Yannick Bosc et Florence Gauthier, historiens, spécialistes de la Révolution française.

Couverture. 400 pages, janvier 2024 ; 28 €

Albert Mathiez demeure un des plus grands historiens de la Révolution française. Son œuvre, fondée sur une vaste connaissance des archives et une grande perspicacité d’analyse a profondément renouvelé la compréhension de la Révolution. De par ces qualités, ses écrits ont traversé les décennies et demeurent des lectures importantes pour comprendre cette période de bouleversements majeurs.

Dans ce livre, les historiens Florence Gauthier et Yannick Bosc ont réuni et présentent les textes de Mathiez sur Robespierre. Alliant une passion communicative pour l’histoire à une méthode rigoureuse, ces textes forment une biographie politique de Robespierre qui nous plonge, au fil des événements, au cœur de l’action et des réflexions de l’Incorruptible.

Détricotant les légendes noires, Mathiez s’attache à l’étude des sources et met en lumière la proximité de Robespierre avec le mouvement des Sans-culottes, moteur de la Révolution. Porteurs d’une véritable politique sociale, privilégiant le pouvoir législatif contre l’exécutif, le droit à l’existence contre la propriété privée, Robespierre et ses amis de la Montagne ne concevaient la république que démocratique et sociale.

Et terminons par le rappel de notre colloque Colloque Henri Guillemin et la Révolution française, le moment Robespierre le 26 octobre 2013 dont les vidéos des interventions (dont celles de Florence Gauthier et Yannick Bosc) sont toujours disponibles sur notre site (en cliquant ici) et dont les actes sont toujours en vente (cliquez)

Complément n° 2

Parmi les nombreux acteurs de la pensée critique et les multiples vecteurs d’informations alternatives, hors du courant mainstream, Olivier Berruyer est une personne connue pour l’exemplarité du site d’information géopolitique Les crises, qu’il a créé en 2011. De formation en économie financière, il est aussi et surtout un très grand admirateur d’Henri Guillemin.

Le 4 mai 2012, pour célébrer les 30 ans de la disparition d’Henri Guillemin, Olivier Berruyer lui rendait hommage en mettant en ligne les 15 conférences vidéo sur la Révolution française.

Une heureuse initiative quand on sait que ces vidéos ne sont pas facilement disponibles sur le Net, du moins dans l’ordre chronologique de leur parution et de bonne qualité technique.

Pour les écouter et regarder Guillemin, cliquez ici.

Le refus de se laisser monter sur la cervelle

Expression d’Henri Guillemin, titre d’un article publié dans La Tribune de Genève le 16 octobre 1968. Article repris dans le recueil : De l’Histoire et de la Littérature – sélection d’articles 1964-1974 Edité chez Utovie (pour en savoir plus, cliquez ici)

Ce 14 juillet correspond aussi aussi pour nous à une suspension temporaire de nos travaux pour raisons estivales. Qui dit vacances, dit plus grande disponibilité, nouvelles curiosités, état d’esprit différent. Comme l’année dernière, cette rubrique propose un choix d’ouvrages qui nous ont semblé utiles, enrichissants, ou encore dépaysants ; en tous cas, éligibles au bonheur de lecture.

Il fallait bien choisir, trier, prioriser, alors voici notre sélection.

Il est très rare de réussir à traiter un sujet politique, voire géopolitique en littérature, celle de haute qualité romanesque, ouvrant plein large sur l’imaginaire, tout en exploitant les trésors du vocabulaire et de la syntaxe. C’est la réussite de l’écrivain autrichien Robert Ménasse avec deux ouvrages formant les deux premiers volets d’un prochain triptyque.

Couverture. Editions Verdier. 448 pages. 28 €. Existe en format poche même éditeur

Dans La capitale, le lecteur est entraîné au coeur de la commission de Bruxelles, dépeinte de façon hallucinante, satirique, politique, à travers plusieurs destinées et différents complots et intrigues qui vont se croiser, se heurter et dévoiler les coulisses de cette bureaucratie kafkaïenne.

Couverture. Editions Verdier. 608 pages. 26, 50 €

Dans L’élargissement, sur le même ton sarcastique et d’humour noir, on est embarqué dans une épopée burlesque, façon parfois grand guignol, une traversée d’intrigues en tout genre  : l’entrée de l’Albanie dans l’UE. Le talent de Ménasse est d’arriver à nous convaincre que ce qu’il décrit a toutes les chances d’être vrai et de se réaliser. Impossible de poser le bouquin.

Emmanuel Todd est connu. Ses ouvrages également. Mais avec son dernier opus, La défaite de l’Occident, il pulvérise avec une certaine jubilation (on sent à la lecture que c’est lui qui a écrit et non un stagiaire, et on ressent très bien son plaisir), tout le fatras des idées reçues et autres contrevérités, voire absurdités, actuellement diffusées au sujet de la Russie, de l’Europe, des Etats-Unis et du conflit en Ukraine. A sa façon, en démographe, il tord aussi fortement le cou aux récits d’enfumage que Guillemin l’a fait en Histoire littéraire et politique.

Couverture. Editions Gallimard. 384 pages. 23 €

Parce que La Commune fait partie de nos travaux, parce que Guillemin l’a admirablement traitée dans sa série de conférences vidéo, parce qu’on pense à l’ami qui a travaillé cette période historique avec une passion « guilleminienne » durant toute sa vie, parce qu’on a aimé, on propose :

Souvenirs d’une morte vivante: Une femme dans la commune de 1871 de Victorine Brocher.

Couverture. Editions Libertalia. 350 pages. 10 €

Publié en 1909, ce texte de Victorine Brocher (1839-1921) est l’un des rares et forts témoignages de femme du peuple, issue d’une famille militante, ayant traversé les insurrections de 1848 et de 1871. Ambulancière pendant la Commune, elle relate en une langue simple des événements vécus dans sa chair : le Second Empire, le siège de Paris, les privations, la mort de ses enfants, les espoirs nés avec la République sociale, la Semaine sanglante, l’exil et la survie enfin.

C’est exactement le genre d’ouvrage qui émeut, secoue et laisse intranquille car on sait que cette vie est actuellement vécue par des millions de personnes.

Et si nous passions à la fiction.

Couverture. Editions Gallmeister. 248 pages. 6 €

Les éditions Gallmeister ont eu la géniale idée de rééditer Nuit mère de l’écrivain américain Kurt Vonnegut. Méconnu en Europe, et tout particulièrement en France, Kurt Vonnegut est un auteur inclassable, iconoclaste, à l’humour noir ravageur. D’une très grande richesse romanesque, ses romans dressent un portrait sans concession de l’Amérique. On pourrait dire que sa vie est un roman. En tout cas, la seconde guerre mondiale l’aura marqué à jamais et déterminé son style inclassable.
Le 14 décembre 1944, durant la bataille des Ardennes, il se perd derrière les lignes allemandes et est fait prisonnier. En février 1945, il travaille à Dresde comme prisonnier quand, du 13 au 15 février, la ville est sauvagement bombardée au phosphore par les Anglais (10 000 tonnes de bombes), créant une fournaise plus forte que celle d’Hiroshima. Enfoui dans un abattoir, il en réchappe avec six autres prisonniers. Cette tranche de vie sera le sujet de son célèbre roman Abattoir 5 ou la Croisade des enfants.

« Je suis américain de naissance, nazi de réputation et apatride par inclination. » Ainsi commence Nuit mère, histoire d’un américain travaillant en Allemagne sous le 3eme Reich à la radio pour la propagande et qui attend d’être jugé pour crimes de guerre dans une cellule de Jérusalem. Il clame son innocence car il était en fait un agent infiltré chez les nazis au service des Alliés. Et personne ne le croit. Histoire caustique, pleine de vérités tragiques sur la guerre, balancées avec un humour noir corrosif.

La cloche de détresse de Sylvia Plath

Couverture. Editions Denoel. 320 pages. 19,90 €

Un des rares romans de la célèbre poétesse américaine. D’inspiration fortement autobiographique, l’histoire raconte l’errance d’une jeune de fille Esther Greenwood, dix-neuf ans, dans le New York des années 50. En réalité, il s’agit de la première dépression de Sylvia Plath qui raconte avec une extrême sensibilité sa vie, son enfance, son adolescence d’étudiante américaine, ses amours et ses déceptions. C’est aussi une peinture de l’Amérique sous Eisenhower, coincée et puritaine, montrant de façon à la fois douce et imparable, la position sociale de la femme dans le système patriarcal de l’époque.

Hollywood, années rouges de Maurice Nikos

Couverture. Editions du Canoë. 288 pages. 22 €

Un thriller ? Non. Un polar ? Peut-être. Disons un roman policier politique et historique.

Harvey est scénariste, en partance pour Hollywood. Seul hic : il est communiste. Et en 1951, la chasse aux sorcières bat son plein. Le héros s’en aperçoit vite, lui qui retrouve à Los Angeles son frère, scénariste à succès qui se sent épié. Devenu détective amateur, il est mêlé à une intrigue où gravitent un psy affilié au FBI, des militants délateurs… et Sue dont il s’entichera au cours d’une éducation sentimentale et politique. La façon dont l’auteur nous entraîne dans les USA des années 50 tient du tour de force, à travers une galerie de personnages hauts en couleur et par un style aussi comique que trépidant.

On peut constater, avec Sylvia Plath, et Kurt Vonnegut que décidemment, l’Amérique d’après-guerre était très étrangère à la représentation idyllique que s’en sont fait les Européens jusqu’à aujourd’hui.

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Nos travaux s’arrêtent aujourd’hui pour reprendre en septembre. Nous parlerons alors du prochain colloque et des autres sujets que Les Amis d’Henri Guillemin ont a coeur d’évoquer.

D’ici-là, nous vous souhaitons les vacances les plus agréables possibles et de très bons moments de lecture.

A bientôt.

L’équipe de LAHG

Révolution ou autoportrait en combattante palestinienne – 2019 – Tableau de Malak Mattar, peintre palestinienne née le 17 décembre 1999 à Gaza.

 

 

 

 

 

 

 

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Avec Henri Guillemin, démystifier l’extrême droite pour mieux la combattre


L’acteur Martin Wuttke dans le rôle d’Arturo Ui, en train de figurer une svastika (croix gammée). Une scène emblématique de la pièce de théâtre La résistible ascension d’Arturio Ui de Bertold Brecht (1941), Cette photo est tirée de la mise en scène par Heiner Müller en 1999 au Berlin au Berliner Ensemble, à l’issue de laquelle Müller expliqua son choix esthétique empruntant au théâtre et à l’image cinématographique, par le fait qu’au delà du pitre démagogue, il fallait toujours voir la violence de la vérité cachée.
Dans l’épilogue de sa pièce, Brecht tire cette leçon : « Vous, apprenez à voir, plutôt que de rester les yeux ronds… Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». Photo de Barbara Braun

La lettre d’Utovie du 22 juin 2024

La dernière newsletter des éditions Utovie affiche cette mention : avec Henri Guillemin : démystifier et combattre l’extrême-droite. Pour un nouveau front populaire.

C’est un message très opportun car, en effet, dans le contexte politique qui nous a subitement été imposé une mauvaise surprise peut survenir.

Il est donc judicieux de rappeler les travaux d’Henri Guillemin sur ce sujet, en mettant en avant, entre autres, sa conférence sur le fascisme en France que met en avant Utovie.

« Il est incontestable qu’il y a en France (et ailleurs) une résurgence du fascisme…» Henri Guillemin.

Dans cette conférence diffusée en 1987, Henri Guillemin étudie le climat politique et social en France depuis 1875 qui créera le terrain favorable à l’introduction et à la montée du fascisme jusqu’à sa forme gouvernementale (l’Etat français de Pétain) et aux tentatives putschistes de la guerre d’Algérie.

Les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets et on ignore trop à quel point les intérêts économiques d’une minorité sont pour cette dernière plus importants que la démocratie.

La « bête » n’est pas morte. Il convient de rester vigilant. Cette leçon d’histoire, salubre, entretient notre vigilance.

Henri Guillemin raconte Le fascisme en France. Conférence audio. CD + transcription livre. 1 CD (60 mn) + livre 56 p. 15 €

Pour écouter trois extraits de cette conférence, cliquez ici

Pour en savoir plus sur le catalogue Utovie en général et sur le corpus des travaux d’Henri Guillemin en particulier, cliquez

A cette occasion, nous rappelons que Utovie, pour fêter le renouvellement de son site internet, propose une réduction de 50 % sur tout le site, offre exceptionnelle jusqu’au 31 juillet 2024. Alors, profitezen.

Henri Guillemin et l’affaire Pétain

Coffret DVD/livre

Notre dernière offre commerciale lancée le 1er janvier dernier a connu un appréciable succès. Il nous reste seulement qu’une petite dizaine de coffrets en stock.
Notez que cet ouvrage est déjà ce qu’on appelle un collector, une oeuvre qui ne sera plus éditée et donc introuvable sauf auprès de certaines personnes qui souhaiteraient revendre le coffret en leur possession (mais pourquoi diable feraient-elles cela ?)

Nous renouvelons cette offre pour la dernière fois :

Coffret DVD/Livre au prix exceptionnel de 25 € au lieu de 35 € (frais de port offerts). Offre valable jusqu’au 30 septembre 2024

Synopsis :

En mai 1981, Henri Guillemin inaugure une nouvelle série de 12 leçons d’Histoire à travers l’émission Henri Guillemin vous parle diffusée sur l’antenne de la Radio Télévision Suisse (RTS). Il explore toujours son thème de prédilection, celui de la trahison des élites, des gens de biens qui n’ont de cesse d’exploiter et de duper les gens du peuple, les gens de rien ou de peu.

Soit 12 conférences vidéos, au total 6 heures de connaissances utiles en 3 DVD :

DVD 1: Travail

1. La montée du fascisme : L’extrême droite est de plus en plus influente dans les années 1930 (diffusion : 3 mai 1981)

2. Pétain avant 1934 : C’est à Verdun que se crée la « légende » de Pétain (diffusion : 10 mai 1981)

3. Le politicien : de la politique de 1934 à la victoire du Front populaire (diffusion : 17 mai 1981)

4. La défense nationale : Pétain envisage une Révolution nationale dès la fin des années 30 (diffusion : 24 mai 1981)

DVD 2 : Famille

5. Un étrange Maréchal : pour l’éloigner de Paris, Pétain est nommé ambassadeur à Madrid (diffusion : 31 mai 1981)

6. Le but est atteint : L’armistice signé, les pleins pouvoirs sont accordés à Pétain (diffusion : 7 juin 1981)

7. L’an 1940 : début de la politique de collaboration voulue par Pétain (diffusion : 21 mai 1982)

8. Avec Darlan : entre 1941 et 1942, la Révolution nationale prend une nouvelle envergure

DVD 3 : Patrie

9. Laval réapparaît : la « zone libre » est occupée et Pétain s’accroche au pouvoir (diffusion : 28 mai 1982)

10. L’asservissement : la Résistance s’organise et Pétain crée la Milice pour la combattre (diffusion : 30 mai 1982)

11. La fin : en 1944, c’est le début de la fin pour Pétain et le régime de Vichy (diffusion : 4 juin 1982)

12. Constats : conclusion et bilan sur le régime de Vichy et le maréchal Pétain (diffusion : 6 juin 1982)

Les bonus :

1/ Compléments critiques et historiques par l’historienne Annie Lacroix-Riz, spécialiste de cette période historique.

Un total de 11 heures vidéo accessibles en ligne sur le site dédié :  http://www.affairepetain.fr/

Dans cette série, produite par la société Les Films de l’An II, Annie Lacroix-Riz, Professeure émérite d’histoire contemporaine Université Paris7- Denis Diderot, revient sur chacune des 12 conférences d’Henri Guillemin, pour les enrichir, les compléter, parfois les modifier, confirmant ainsi la puissance d’analyse critique d’Henri Guillemin dans le champ de l’Histoire politique.

2/ Livre : La vérité sur l’affaire Pétain de Henri Guillemin

Edition revue et remaquettée (248 pages) avec une préface inédite d’Annie-Lacroix Riz.

3/ Débat télévisé sur l’affaire Pétain – 52 mn – RTS (1982)

Avec Jacques ISORNI, avocat du Maréchal Pétain – Henri GUILLEMIN, historien – Jean-Noël JEANNENEY, homme politique – Henri AMOUROUX, écrivain et Jean-Raymond TOURNOUX, journaliste.

Comment commander :

En cliquant ici

Nos recommandations de lecture

Dans le droit fil de ses analyses critiques et historiques constituant le principal bonus du coffre DVD, nous recommandons les ouvrages de l’historienne Annie LacroixRiz, spécialiste du sujet. Les lire c’est aller à l’essentiel, jusqu’au bout du chemin. Ce sont les ouvrages les plus aboutis, les plus complets et surtout portant une lumière de vérité historique implacable, basée sur d’irréfutables sources archivistiques.

Il s’avère que l’actualité éditoriale de ses travaux est très riche actuellement.
Les éditions Armand Colin ont décidé d’effectuer trois nouvelles rééditions en format poche de trois ouvrages précédents, au vue de leur notoriété croissante.

Couverture de l’édition poche ;
792 pages ; 12,90 €
Maurice Papon, ancien fonctionnaire de Vichy, faisant un baisemain à Simone Veil, rescapée des camps. Photo prise le 5 avril 1978 devant le palais de l’Elysée, au sortir d’un conseil des ministres, alors qu’il est ministre du budget et elle ministre de la santé. Copyright Patrice Picot/Gamma-Rapho/Getty images

Synopsis :

Dès 1943 et jusque dans les années 1950, les élites impliquées dans la Collaboration ont cherché à se « recycler ». Y a-t-il vraiment eu, en France, une politique d’épuration? L’auteur explore cette question tout au long de son ouvrage dans lequel elle démontre que l’épuration criminalisée ayant suivi la Libération (femmes tondues, cours martiales, exécutions) a cherché à camoufler la non-épuration des élites, aussi bien de la part des ministères de l’Intérieur et de la Justice que de celle des milieux financiers, de la magistrature, des journalistes, des hommes politiques, et de l’Église. De nombreux anciens collaborateurs ont ainsi bénéficié de « grands protecteurs ». Le poids des Etats-Unis a également participé de cette non-épuration. Cet ouvrage prend le contrepied des ouvrages d’histoire de l’épuration parus ces vingt dernières années.

Se fondant sur les archives, Annie Lacroix-Riz démontre que la criminalisation de l’épuration pour collaboration a surtout couvert la non-épuration des élites.

Couverture de l’édition poche. 1224 pages ; 13,90 € Le ministre allemand des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, et d’autres responsables nazis font le salut nazi sur la tombe du Soldat inconnu à Paris, en France, en décembre 1938. Le ministre français des Affaires étrangères, Georges Bonnet, fait le salut traditionnel derrière Ribbentrop. Ribbentrop était à Paris pour signer un pacte de non-guerre entre la France et l’Allemagne. | (Photo par Hulton-Deutsch/Hulton-Deutsch Collection/Corbis via Getty Images)

Synopsis :

Quelles sont les causes de la Défaite de 1940 ? Le grand historien Marc Bloch écrivait en avril 1944 : « Le jour viendra […] et peut-être bientôt où il sera possible de faire la lumière sur les intrigues menées chez nous de 1933 à 1939 en faveur de l’Axe Rome-Berlin pour lui livrer la domination de l’Europe en détruisant de nos propres mains tout l’édifice de nos alliances et de nos amitiés. »

Annie Lacroix-Riz analyse l’histoire des années 1930 pour éclairer les causes de la défaite de 1940. Selon elle, les Français n’ont pas été simplement vaincus en cinq jours par une Wehrmacht invincible ; le haut patronat les a sacrifiés à son plan de « réforme de l’État » copié sur les voisins fascistes et à son obsession d’accord avec le Reich. Cette affirmation incroyable paraît moins audacieuse à la lecture des archives, françaises et étrangères, relatives à une décennie d’actions des élites : militaires ; politiciens ; journalistes ; hommes d’affaires surtout, qui régnaient sur tous les autres, avec à leur tête la Banque de France et le Comité des Forges.

L’autonomie des politiciens ou des journalistes relève ainsi du mythe, celle des militaires aussi. C’est bien la France des grands intérêts économiques et financiers qui dicta le choix de l’Allemagne comme partenaire privilégié dès les années 1920 et sabota l’alliance russe de revers qui avait évité la défaite en 1914. Aujourd’hui, l’accès aux archives éclaire les causes intérieures et extérieures de la Défaite et permet « l’instruction du procès de la vaste entreprise de trahison » que réclamait Marc Bloch.

La présente édition format poche de l’ouvrage a été systématiquement revue et complétée à la lumière des nombreux fonds d’archives, ouvrages et articles consultés depuis 2006.

Couverture de l’édition grand format ; en réimpression pour un format poche. Sortie prévue : janvier 2025. Cette nouvelle édition sera le fruit, comme les précédentes, d’une révision complète et augmentée.

Ceci est notre scoop : Armand Colin a décidé une troisième réédition en format poche prévue pour janvier 2025, celle de cet ouvrage sur la collusion des élites.

Synopsis :

Cet ouvrage porte sur l’un des aspects les moins explorés de l’Occupation : la collaboration de l’économie française, et notamment des grandes entreprises, à l’effort de guerre allemand. La liste des industriels nommés, ou plutôt cernés, est impressionnante. Les témoignages de leur collaboration anticipée ne le sont pas moins.

En été 1940, les banquiers et industriels français participent avec conviction à la liquidation des institutions républicaines. Ils s’installent dans la collaboration comme poussés par une sorte de loi naturelle. D’abord, dans les années 30, la minorité d’opérateurs économiques qui contrôle la France nourrit une admiration solide pour les prouesses techniques du Reich. Vichy n’a pas eu besoin de pousser les capitalistes à la collaboration : des cartels « européens » (dominés par les entreprises nazies), des sociétés mixtes franco-allemandes poussent comme des champignons. Les livraisons industrielles françaises au Reich et à sa machine de génocide, les crédits astronomiques, tout se met en place avec une rapidité et une bonne volonté impressionnantes… Un chapitre particulièrement révoltant du livre est consacré à l’aryanisation des fortunes mobilières, immobilières, industries et participations bancaires appartenant à des Français de confession israélite, mués en quelques heures et brutalement en parias. Un ouvrage fascinant des mœurs, mensonges et pratiques inavoués du grand patronat traumatisé par le Front populaire.

Bonne lecture.


Tableau de Mark Rothko peintre américain (1903 – 1970) : Le Noir contre le Rouge – 1962 – Samsung Museum of Art.

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Les actes des colloques Guillemin/Zola/Dreyfus sont parus

Couverture de l’ouvrage ; Ed. Utovie ; 300 pages ;
ISBN 978 2 8819 818 1

Publication des Actes des deux colloques Guillemin/Zola/Dreyfus

Comme prévu et comme annoncé en début d’année, les éditions Utovie viennent de publier l’ouvrage relatif aux Actes des deux colloques consacrés à Emile Zola sous le regard de Henri Guillemin.

Deux colloques ? En effet, cet ouvrage particulier rassemble, pour la première fois, les interventions de deux colloques, composés en diptyque, car centrés sur Henri Guillemin/Emile Zola.

Premier colloque : « Un engagement littéraire et politique », ENS Ulm Paris, le 12 novembre 2022.
(pour revoir les vidéos de ce colloque, cliquez ici)

Second colloque : « L’affaire Dreyfus et son temps – Enjeux politiques et interprétations », ENS Ulm Paris, le 18 novembre 2023.
(pour revoir les vidéos de ce colloque, cliquez ici)

L’ouvrage, édité par Utovie en un temps record, réunit donc en un seul ouvrage ce diptyque à la fois littéraire et politique.

Quatrième de couverture

Actes des colloques Henri Guillemin/Emile Zola : « Un engagement politique et littéraire ». Et : « L’affaire Dreyfus et son temps, enjeux politiques et interprétations ». Organisés les 12 novembre 2022 et 18 novembre 2023 par l’Association Les Ami(e)s d’Henri Guillemin.

Edition établie par Edouard Mangin.

Ces deux événements sont liés entre eux pour constituer un diptyque autour d’Emile Zola, figure exceptionnelle, à la fois immense écrivain et courageux militant dreyfusard. Ils réunirent les meilleurs spécialistes concernant aussi bien le volet littéraire développé dans le premier colloque, que le volet historique et politique, exprimé dans le second ; ils rassemblent ainsi dix conférences majeures dues à : Patrick Berthier, René-Pierre Colin, Alain Pagès, pour le premier ; Alain Pagès, Agnès Sandras, Philippe Oriol, Vincent Duclert, Jacqueline Lalouette, Bertrand Joly et Marie Duval, pour le second.

Se procurer l’ouvrage

A cette occasion, les éditions Utovie propose une publication gratuite, disponible en ligne.

Aussi, pour lire l’ouvrage « Actes des colloques Henri Guillemin/Emile Zola – 1/ Un engagement littéraire et politique – 2/ L’affaire Dreyfus et son temps, enjeux politiques et interprétations« , il suffit de cliquer ici

Des nouvelles de l’éditeur Utovie

Internet :
Qui n’a pas subi les dysfonctionnements, découverts un beau matin, affectant son propre site internet, c’est à dire pour être clair, son outil de travail ?

Qui n’a pas hurlé contre ces dysfonctionnements incompréhensibles, aussi inopinés qu’intrusifs, aussi injustifiés qu’abstraitement tyranniques (entre nous, qui connait l’adresse postale de Monsieur Google ?, Hummm ? Notre porte est grande ouverte pour l’accueillir, les boissons attendent bien alignées dans nos frigos, le BBQ garde sa gueule ouverte pour recevoir sa pelletée de charbon de bois. Nous l’attendons impatiemment car nous avons plein, vraiment plein, de questions à lui poser !).

Qui n’a pas subi ce genre d’empêchements insupportables, surtout quand on est l’éditeur exclusif des écrits d’Henri Guillemin, écrivain de plus en plus cité dans le domaine actuel des analyses critiques historiques contemporaines….

…. ne peut absolument pas comprendre le combat, l’énergie, la force et la joie qu’ont pu ressentir les éditions Utovie quand elles résolurent leurs problèmes blogosphère.

Utovie a traversé ce tunnel de difficultés techniques et en est sorti avec succès.

Son site est totalement restauré.

Pour fêter ce succès, les éditions Utovie proposent une remise exceptionnelle de 50 % sur tout leur site.

Cette remise exceptionnelle est active jusqu’au 31 juillet 2024 avec le code promo : UTOVIE2024.

Alors, rendez-vous sur Utovie

Personnages et ombres en lumières inversées – Tableau de Daniel Mangin – 2023 – huile sur toile H 24 cm, L 30cm

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Chemin de traverse n°23 : La France sous Vichy et après 1945

Annie Lacroix-Riz 2023 – Historienne, ancienne élève de l’ENS, agrégée d’histoire, docteur d’Etat, professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris VII-Denis Diderot.

Introduction

Livre après livre, l’historienne Annie Lacroix-Riz poursuit, avec son nouvel ouvrage Les origines du plan Marshall – Le mythe de « l’aide » américaine, (éd.Armand Colin), son immense travail, commencé il y a plus de cinquante ans, de mise au grand jour de la vraie réalité économico politique qui a structuré l’Histoire du XXe siècle européen. Une entreprise de désenfumage des esprits, de déconstruction d’un narratif officiel relevant de la légende et de démythification des idées reçues, vulgarisées à travers media, enseignement et autres vecteurs de diffusion des connaissances.

Comme on peut s’en douter, ce travail dérange beaucoup le discours dominant des milieux académiques au point d’essayer de le nier ou de le travestir en exercice idéologique.
Sauf qu’il s’agit d’Histoire et que ce travail est implacable quant à la vérité des faits, car Annie Lacroix-Riz est une historienne qui travaille à partir de sources archivistiques incontestables.

Déjà, son précédent ouvrage La non-épuration en France – De 1943 aux années 1950 sapait toutes les idées reçues. Car, contrairement à la croyance, à la Libération, il n’y eut pas d’épuration.
Les hauts responsables, fonctionnaires et autres mandarins de l’appareil d’État sous Vichy furent presque tous réinstallés après 1945, dans les rouages de l’appareil d’État républicain et autres circuits du pouvoir.

La non-épuration a connu un succès significatif puisque l’éditeur a récemment procédé à une nouvelle édition en format poche dont l’illustration en couverture est on ne peut plus explicite.

Maurice Papon, ancien fonctionnaire de Vichy, faisant un baisemain à Simone Veil, rescapée des camps. Photo prise le 5 avril 1978 devant le palais de l’Elysée, au sortir d’un conseil des ministres, alors qu’il est ministre du budget et elle ministre de la santé. Copyright Patrice Picot/Gamma-Rapho/Getty images

Cette fois-ci, avec Les origines du plan Marshall – Le mythe de « l’aide américaine, Annie Lacroix-Riz, met à bas un autre mythe, peut-être encore plus important que le précédent, puisqu’il irrigue depuis des dizaines d’années, toute la pensée d’aujourd’hui concernant l’Histoire du XXe siècle.

L’ouvrage démontre combien ce plan, faussement présenté comme une aide au redressement de la « vieille Europe », l’empêcha, au contraire, de s’ériger en puissance commerciale rivale, au moment où les Etats-Unis se dirigeaient droit vers une crise économique majeure de surproduction.

Ce travail montre que le plan Marshall présenté comme une aide quasi désintéressée au redressement de l’Europe exsangue, est une légende. Loin d’être une aide à la reconstruction, il fut en fait une mise en coupe réglée de l’Europe, de la Grande-Bretagne et de la France en particulier (du fait de leurs empires coloniaux respectifs).

Une mise en coupe réglée d’une incroyable férocité qui plaça définitivement le Vieux Continent en position de vassal, au service des intérêts de l’empire US.

Parmi les ouvrages d’Annie Lacroix-Riz, citons :

Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide (1914-1955), Armand Colin, 1996 ; nouv. éd. augmentée, 2010 ;

Le Choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930, Armand Colin, 2006 ; nouvelle édition augmentée, 2010 ;
Une nouvelle édition en format poche est actuellement sous presse et sortira début 2024

De Munich à Vichy, l’assassinat de la IIIe République, 1938-1940, Armand Colin, 2008 ;

Industriels et banquiers français sous l’Occupation, Armand Colin, 2013 ;

Les Élites françaises, 1940-1944. De la collaboration avec l’Allema­gne à l’alliance américaine, Dunod-Armand Colin, 2016.

La Non-épuration en France de 1943 aux années 1950, Paris, Dunod-Armand Colin, 2019

Pour en savoir plus, il suffit de se rendre sur son propre site

Ed. Armand Colin, oct 2023, 572 pages, 29, 90 €.
Photo Léon Blum discutant avec le secrétaire d’Etat James Byrnes, Washington 1946. Copyright Keystone-France/Gamma-Rapho/Getty Images

Son dernier ouvrage remet si radicalement en cause les idées reçues, qu’il génère un foisonnement de questions portant sur les différentes facettes de cette affaire, tant économiques, que politiques ou culturelles.

Annie Lacroix-Riz a bien voulu répondre à nos questions.

Interview exclusive d’Annie Lacroix-Riz

1/ Votre ouvrage s’intitule Les origines du plan Marshall avec pour sous-titre, Le mythe de « l’aide » américaine, et il porte sur les accords qui l’ont précédé depuis la Deuxième Guerre mondiale. Autant, le plan Marshall est entré dans le langage courant, autant les accords signés entre la guerre et ceux dits Blum-Byrnes, sont inconnus du grand public. Y a-t-il une spécificité des accords antérieurs au Plan Marshall stricto sensu ? Sont-ils les deux faces d’un même processus ?

Ni le Plan Marshall ni les accords de mai 1946 ne révèlent des pratiques américaines nouvelles. Elles n’ont pas changé depuis les « notes sur la Porte ouverte » en Chine de septembre 1899. Les Etats-Unis y revendiquaient ouvertement la liberté totale :
1/ d’accès aux marchés mondiaux de leurs marchandises (excédentaires depuis que, en 1890, ils étaient devenus le premier producteur industriel du monde),
2/de leurs investissements en capital, « l’hémisphère occidental » qu’ils s’étaient strictement réservé (le continent américain entier et ses larges abords maritimes) devenant trop étroit.

Washington applique ses règles aux Européens à la faveur des deux guerres mondiales puis des deux après-guerre, tant aux pays de l’Entente, emprunteurs de guerre, qu’aux autres – tels les Allemands, dont les groupes financiers américains ont été les principaux prêteurs privés, de 1923 à l’avant-guerre.
Ces emprunts consacrés par les Konzerne au développement de l’industrie de guerre, c’est-à-dire au réarmement du Reich, battaient des records de rentabilité, et furent prolongés voire renforcés à l’ère hitlérienne.

Les accords Blum-Byrnes et ceux qui les ont précédés depuis 1942-1943, instituent, comme le Plan Marshall (1948-1951), des « prêts liés », strictement subordonnés à l’achat de produits américains ou provenant de zone dollar (tel le pétrole).

Ceux du 28 mai 1946 règlent surtout le paiement définitif des dettes de guerre françaises, dont le montant a été fixé unilatéralement par le prêteur américain, sur la double base :
1/ d’une surévaluation des marchandises américaines « liées » aux emprunts en dollars contractés dans le cadre de la procédure du Prêt-Bail fixée par loi américaine de mars 1941, ou en dehors de ce cadre,
2/ d’une dévalorisation de l’énorme « Aide réciproque » stipulée par le Prêt-Bail, fournie par les emprunteurs européens, ici la France, à la conduite de la guerre américaine vouée à la conquête définitive des marchés correspondants.

L’étude occupe une notable partie des Origines du Plan Marshall, qui décrit aussi le calvaire financier et commercial enduré dès 1940 par le premier cobaye, britannique, seul pays-cible du Reich à être demeuré belligérant.

C’est vis-à-vis du Royaume-Uni que l’État américain établit toutes les règles ensuite imposées aux signataires d’accords dits de Prêt-Bail, soit belligérants officiels, comme l’URSS, soit occupés par le Japon (la Chine) ou par le Reich et représentés par des délégués opposés aux occupants, comme la France d’Alger.

Sachant que la France a connu dans l’entre-deux-guerres, comme toute l’Europe (URSS emprunteuse comprise), une pression écrasante des Américains, par la voie étatique et privée : l’ancienne « Entente » anti-« Empires centraux » a alors subi la double norme catastrophique de leur rejet formel des réparations et de leur exigence de remboursement total des « dettes interalliées », de montant équivalent (une trentaine de milliards de dollars).
La pression commerciale, générale, a notamment débouché sur une première tutelle cinématographique : l’accord de mai 1936, conclu sous le cabinet Blum de Front populaire, permettait déjà aux films américains d’occuper annuellement la moitié du temps de projection sur les écrans français.

Les accords Blum-Byrnes prévoient l’octroi futur d’un (second) prêt d’une banque d’État fondée en 1933-1934 au service des exportations américaines, l’Eximbank, de 650 millions de dollars, à taux élevé (3%) et sur 30 ans, identique à celui de 550 millions de dollars contracté le 4 décembre 1945.
Aussi léonin, il ne fait que solder le passé, la « dette de guerre » française contractée depuis Alger (été 1943). Il ne finance pas de futurs achats de « reconstruction » d’une France pillée par le Reich et victime de destructions matérielles stricto sensu. Infligées surtout par les bombardements anglo-américains, qui ont de 1942 à 1944 causé 75 000 morts et notamment détruit les plus grands ports français, Le Havre et Marseille.

Or, Washington n’a cessé d’enfler cette « dette » française au fil des tractations entamées, via Jean Monnet, homme-lige de Washington depuis les années 1920, par le Comité français de Libération nationale (CFLN) après la victoire politique de De Gaulle à Alger (juin 1943).
Il l’a alourdie, via celles entamées dès mai 1945 et intensifiées depuis septembre, de l’achat forcé des « surplus » de guerre (reliquat des envois américains de matériel à usage théoriquement militaire) et de 75 Liberty Ships, en état aussi pitoyable que les « surplus » : épuisés par leur usage depuis 1941-1942, soudés et non rivetés, ces navires bons pour la casse ont nécessité des réparations gigantesques et ont dû être assurés… par des compagnies américaines.

Le coût de ces articles inutilisables et de valeur marchande nulle est fixé par le « mémorandum général », respectivement, à 300 et à 40 millions de dollars, celui des Liberty Ships étant contractuellement révisable (et monstrueusement révisée à l’été 1946).
Le lecteur fera le seul calcul initial, à 119,11 francs le dollar depuis la dévaluation du franc du 26 décembre 1945, qui multiplie la dette en francs par environ 2,4.

Le délégué britannique Keynes, pressé aussi d’acheter des « surplus » irrécupérables par les Américains, et dont l’économie britannique ne fera rien non plus, a cru pouvoir qualifier les « surplus » de rebut (« scrap »), fin novembre 1945, à la fin des « négociations » entamées en septembre à Washington. De « négociations » il n’y avait jamais eu, comme le montrent ce dossier, les précédents et les suivants.
Les financiers privés-représentants de l’État américains lui répliquent aussitôt que le refus de ces achats entraînera celui de la totalité des crédits quémandés : le rejet d’un alinéa annule l’ensemble des « accords ».

Cet échange anglo-américain suggère ce qu’a été, après un appauvrissement radical depuis 1940, l’accord de crédit du 6 décembre 1945 de 3,5 milliards de dollars.
Londres en avait demandé 6, pas pour se « reconstruire » ou se « moderniser » : pour s’adapter aux normes unilatérales de Bretton Woods qui allaient tuer la « zone sterling », la protection commerciale que lui avaient assurée les accords d’Ottawa (été 1932) et l’Empire.

Présenté comme un pactole à l’opinion britannique et mondiale par les grands médias, « l’accord » est aux Communes qualifié de « Munich économique » par les parlementaires « impérialistes » les plus francs.

Un trio de gouvernants britanniques est venu supplier l’ambassadeur américain, avant la signature officielle, de maintenir au moins la clause théorique de Bretton Woods accordant à Londres cinq ans de délai avant abandon du contrôle des changes, en arguant que les Communes n’avaliseraient jamais une telle violation. En vain, les Américains ne doutant pas de l’issue parlementaire.

Les accords Blum-Byrnes, les plus malhonnêtes que j’aie lus en plus de 50 ans de dépouillements d’archives, sont un incroyable « millefeuille » de textes, publics mais surtout partiellement publics ou rigoureusement secrets.
Leur plus gros morceau, le « mémorandum général » sur les dettes de guerre, seul soumis à ratification parlementaire, est présenté comme publié. C’est faux : il est « complété », 1° par une foule d’annexes secrètes qui en démentent ou en aggravent un contenu déjà ravageur ; 2° par une foule de textes écartés de la ratification.

Quand le contenu est public, sa signification est dissimulée ou enjolivée, telle la « déclaration [sur] diverses questions communes » d’apparence anodine, prescrivant entre autres remboursement intégral des destructions infligées aux groupes privés américains par… les bombardements américains ; ou l’accord annulant les « créances maritimes » réciproques.
Mais elles sont exclusivement françaises (les Américains n’ayant subi aucun dommage de la part de la France) : Paris renonce, entre autres abandons, à toute indemnisation de l’incendie du somptueux paquebot Normandie, en février 1942, dans le port de New York, où le gouvernement américain l’avait en 1941 réquisitionné (avril) puis saisi (novembre).

D’autres « accords », secrets ou au contenu secret, associés aux tractations franco-américaines, sont définitivement signés en 1946, avant ou après le 28 mai. Ils consignent une avalanche de capitulations françaises : cessions de bases coloniales ; accord sur l’aéronautique civile, caché au Parlement et aux Français jusqu’en 1970 ; accords militaires toujours classifiés à cette date ; franchise fiscale pour les ressortissants américains ; violation du contrôle des changes pour rapatriement de bénéfices cinématographiques, etc.

Les « accords séparés sur le cinéma », auxquels on réduit couramment le « millefeuille », sont les seuls dont le texte (à défaut des conditions de signature) ait été rendu public.
Ils programment la mort du cinéma national, ici comme ailleurs, les États-Unis s’estimant en droit d’envahir les écrans mondiaux. L’historiographie dominante les a transformés depuis 40 ans, contre ma prétendue « légende noire », en quasi-victoire « protégeant » le cinéma français et annonçant le sauvetage suprême, celui du Plan Marshall.

Les accords globaux du 28 mai 1946 représentent le même « Munich économique » pour la France que ceux du 6 décembre 1945 pour le Royaume-Uni.
Comparables aux accords Darlan-Clark du 21 novembre 1942 faisant des Américains les maîtres du Maroc et de l’Algérie occupés depuis le 8, ils sont aussi décisifs pour la colonisation économique américaine.

De Gaulle, qui ne veut pas endosser la capitulation préparée de longue date par les « élites atlantiques » contre lesquelles il a toujours été impuissant, abandonne la présidence du Conseil en janvier 1946. Seul moyen de prétendre y revenir.

Le Plan Marshall, régi par les mêmes règles, obligera le Quai d’Orsay à développer considérablement les activités de son « service [de propagande] de Presse », les clauses du « bilatéral Marshall » signé en juillet 1948 étant reconnues « imprésentables à un Parlement. »
Ledit service vise spécifiquement les révélations quotidiennes de L’Humanité sur ses stipulations.


Le secrétaire d’État George C. Marshall aux côtés du ministre britannique des Affaires étrangères Clement Atlee et du ministre français des Affaires étrangères Georges Bidault lors de la conférence de Londres en décembre 1947.
AFP

2/ En mars 1942, Winston Churchill signe le Prêt-Bail qui menace de mettre fin à l’empire britannique mondial développé depuis des siècles, qui passe ainsi à l’entier profit des Etats-Unis. Comment expliquer que la Grande Bretagne soit cependant devenue le vassal le plus zélé des États-Unis ? Les deux empires coloniaux, français et anglais, auraient-ils pu résister ?

Le cas britannique est annoncé par l’entre-deux-guerres.
Par exception, un collègue français, historien de l’économie, Richard Farnetti, en a présenté une synthèse claire il y a 30 ans, dans la collection U2 de chez Armand Colin, référence pour les étudiants : L’économie britannique de 1873 à nos jours, A. Colin, 1993.

Son chapitre 6, sur l’entre-deux-guerres, décrit une dépendance écrasante, en partie liée à l’énorme endettement de 1914-1918.

Son chapitre 7 sur « la Deuxième Guerre mondiale et l’avènement de la Pax Americana, inspiré d’un historien anglais plutôt modéré, Alan P. Dobson, US Wartime Aid to Britain, 1940-1946, London, Croom Helm, 1986 (devenu champion de l’atlantisme au fil des décennies), décrit la stratégie et la tactique américaines de liquidation du suprême rival des 19e-20e siècles : Londres, maître de la « zone sterling », contrôle encore le tiers du commerce mondial à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, après une crise ravageuse pour le mastodonte américain.
Le titre de la partie du livre intitulée « Le mythe de l’aide généreuse américaine… et son prix réel » (p. 145-152) s’impose à toute personne examinant sur pièces de « l’aide » américaine…

La mise au placard de ce spécialiste de l’économie britannique est similaire à celle qui a frappé Alfred Wahl, coupable d’avoir révélé, dans La seconde histoire du nazisme dans l’Allemagne fédérale depuis 1945 (Armand Colin, 2006), le statu quo des zones occidentales du Reich, devenues RFA sous l’égide des États-Unis, c’est-à-dire le maintien en place intégral des élites de toutes catégories, championnes précoces et durables du nazisme.

L’ouvrage, trop peu « européen », a été versé aux oubliettes.
Celui de Farnetti a été écarté quand l’économie britannique a concerné, à deux reprises au moins, une question de concours de recrutement des enseignants : en 1997, il a été brocardé comme « marxiste » ; en 2007, il a été éliminé du paragraphe « Les relations américano-britanniques et la construction européenne » de la bibliographie officielle parue, selon l’usage, dans la revue corporative, Historiens et Géographes (n°399, 2007).

Cette élimination m’avait indignée (voir « Penser et construire l’Europe. Remarques sur la bibliographie de la question d’histoire contemporaine 2007-2009 parue dans Historiens et Géographes n°399 », La pensée, n° 351, octobre-décembre 2007, p. 145-159).

La condamnation à mort de l’ancien impérialisme dominant a été aisément avalée par les élites britanniques, Churchill compris.
Symbole de l’Empire britannique depuis ses débuts étatiques (1908), le grand aristocrate est devenu, à l’ère Marshall, un champion (hypocrite) de l’Europe américaine. Il a été financé comme ses homologues, « pères de l’Europe » (dont Saint-Robert Schuman) par « l’American Committee on United Europe (ACUE) » de la CIA (Richard Aldrich, The hidden hand : Britain, America, and Cold War secret intelligence, London, John Murray, 2001, non traduit).

Ici, comme partout ailleurs en zone d’influence américaine, les élites dirigeantes ont pu conserver leur tutelle globale et accroître leur part de revenu dans le pays relativement ou absolument appauvri : leur population a payé, et continue à payer.

Le tuteur américain garantit depuis la Deuxième Guerre mondiale ou sa fin le maintien du statu quo socio-économique et sociopolitique, avec une violence et une rigueur qu’attestent les archives : on est loin des sucreries sur « la démocratie américaine ».
Le tuteur allemand en avait fait autant, à l’ère « continentale » de la Crise et de l’Occupation : c’est le cas de figure français, qui a longtemps tenté la « synarchie » britannique, quasi unanime jusqu’en 1938, mais dont une partie a reculé devant les exigences coloniales allemandes.

Les plus pro-allemands sont partout devenus les plus pro-américains. Les anglophones devraient lire la synthèse de 1984, elle aussi boycottée et donc non traduite, du politiste néerlandais Kees Van der Pijl, qui a étudié la conjonction, depuis le tournant du 19e siècle, de la stratégie mondiale de la Porte ouverte et de la fabrication américaine d’« une classe dirigeante atlantique » docile (The Making of an Atlantic Ruling Class, Londres, réédition Verso, 2012).

L’historien ne se demande pas si les puissances coloniales européennes auraient pu résister : il relève juste les faits. Tous convergent, avérant l’abdication nationale systématique de ces classes sociales devant l’Empire hégémonique du « Siècle américain », que ses avantages de classe ont rendu irrésistible.
L’histoire longue explique le hara-kiri dans lequel communie ces temps-ci la sphère d’influence américaine en Europe.

3/ Le plan Marshall va déverser une dizaine de milliards de dollars (en valeur actuelle) sur 16 pays dont la France. Mais, en plus des conditions draconiennes imposées en contrepartie, la France est soumise à deux autres conditions spécifiques : obligation d’évincer les ministres communistes et mise en coupe réglée du cinéma et plus généralement de la culture dans une guerre culturelle déjà bien entamée avant la Libération (et renforcée par les troupes US entre cigarettes Camel, chewing gum, musique, etc.) Pourquoi la France a-t-elle subi ce traitement particulier ?

L’étude des années de guerre et d’immédiat après-guerre montre l’antériorité de toutes les clauses du prétendu miraculeux Plan Marshall, énième plan de prêts. Elles sont énoncées et acceptées depuis la guerre, et la France y sacrifie définitivement en 1945-1946.

L’exigence et l’acceptation formelles de l’éviction des communistes sont actées en avril 1946 ; la mise en coupe réglée du cinéma, agréée en avril, est effective à dater du 1er  juillet 1946, date d’entrée en vigueur des « accords » ; la guerre culturelle, sérieusement amorcée entamée dans l’entre-deux-guerres, est prescrite par l’article 5 du « mémorandum général » obligeant la France à consacrer 25 millions de dollars aux dépenses « franco-américaines » d’« enseignement » ; les achats forcés tenus pour particulièrement inutiles ou nuisibles sont appelés « incentive goods » (« biens stimulants » de… « la productivité ») depuis la guerre (par exemple au Japon), donc bien avant les accords « bilatéraux » Marshall de 1948.

Washington n’apprécie le multilatéralisme qu’à géométrie variable : il convient pour mondialiser le dollar (Bretton Woods); face à un pays faible et isolé, mieux vaut l’accord entre « un mouton [et] un tigre » (New Republic, 22 janvier 1945).

La France n’a pas connu de traitement particulier. Tous les emprunteurs de guerre avaient été soumis à la clause du « Prêt-Bail » de suspension sans préavis de « l’aide » sur décision souveraine « du Président ».

À l’époque Marshall (dès le lancement publicitaire de 1947, le Plan ne démarrant qu’en 1948), ça devient pour la France et l’Italie : « le Président des États-Unis peut mettre fin immédiatement à l’octroi de l’aide s’il estime que le pays bénéficiaire est sous l’influence du communisme ou de l’URSS », ou « aucune personne appartenant au parti communiste ou à une quelconque organisation relevant de ce parti ne doit participer à la distribution des denrées et fournitures sous peine de suspension immédiate de l’aide ».

Pour d’autres pays, dont l’Allemagne occidentale, où Washington a, comme les autres occupants, éradiqué d’emblée le « péril rouge » risquant de renaître en 1945 après son éradication nazie, Washington précise depuis 1947 que « le programme de distribution sera établi mois par mois » et pourra se terminer « à n’importe quel moment » : c’est la formule de la loi Prêt-Bail de mars 1941.

« L’Administration » américaine invoque toujours sa terreur du « Congrès »-Moloch (antienne des Origines du Plan Marshall), vieille farce dissimulant l’assujettissement total de ce dernier à l’exécutif en politique extérieure : l’historiographie américaine, progressiste ou non, s’accorde sur le fait que le Congrès a toujours été, à ce sujet, « un zéro » (« a cipher »), plaisante formule de l’historien plutôt classique Stephen Ambrose (Rise to Globalism, American Foreign Policy, 1938-1980, New York, Penguin Books, rééd. 1985, 1e édition, 1965 – pas traduit).

4/ Concernant le cinéma, y a -t-il eu des résistances sur le plan intérieur ? Ces dispositions ont-elles été pérennes ?

Les salariés techniques du secteur cinématographique étaient combatifs, et le PCF et la CGT héritière des « unitaires » d’avant-guerre et d’Occupation y avaient acquis la quasi-hégémonie.

La SFIO et ses scissionnistes de longue date de la CGT, artisans de la « scission »-expulsion (des communistes) de 1939, et qui, très minoritaires, allaient en 1947-1948 opérer une scission proprement dite en devenant officiellement « Force ouvrière », étaient ici aussi faibles que dans la métallurgie.

La campagne de propagande spectaculairement mensongère, conduite par Léon Blum dès son retour de Washington, n’y convainc donc pas grand monde.
Ce n’est pas le cas du reste de la population, que des journalistes compréhensifs achetés, comme avant-guerre, par les Américains, sont chargés de convaincre que seuls les imbéciles incultes, communistes en tête, s’opposent à la diffusion des immenses films américains, à la « concurrence » stimulante pour le médiocre cinéma français et à la sincère volonté américaine d’échanges culturels.
Si seulement j’exagérais…

Le texte des « accords séparés », public, est limpide : maximum de diffusion pour les films français sur les écrans français de 4 semaines par trimestre (13 semaines) ; minimum, 0 semaine sur 13, c’est-à-dire le trimestre complet pour les films américains (et 0 pour les français).

L’objectif américain, était de liquider, ici comme ailleurs, son concurrent national et de déverser des films largement amortis aux États-Unis mêmes et, nul n’en disconvenait à Washington, riches en navets décisifs pour la conquête politico-culturelle des victimes.
Il avait été dès 1945 publiquement clamé par Eric Johnston, président, depuis 1942 (à 45 ans) de la plus grosse organisation patronale nationale, la Chambre de commerce des États-Unis (Chamber of Commerce of the United States).
Johnston passe à l’application dès sa nomination, en 1945, de président de l’Association des Producteurs de cinéma américains (Motion Picture Association of America (MPAA). Liquidateur autoproclamé et confirmé de la concurrence mondiale, il est aussi l’artisan majeur du pré-maccarthysme, du maccarthysme (1950-1954) et du post-maccarthysme cinématographiques.

Le seconde à la tâche, James Byrnes – le guide, comme secrétaire d’État, de Léon Blum sur la photo de couverture des Origines du Plan Marshall.

Le MPAA récompense pour le scalp du cinéma français offert sur un plateau le 28 mai 1946 cet avocat démocrate, raciste du Sud inondé de postes étatiques par Roosevelt : il doit faciliter l’éviction « légale » de tous les dissidents, acteurs, scénaristes, metteurs en scène, syndicalistes efficaces, gênants pour les Majors depuis les années 1930.

Promotion privée voyante : le « petit Département d’État » (surnom des années 1960 du MPAA) l’a recruté peu après son départ (janvier 1947) du grand Département d’État, où lui succède le général Marshall.

La démonstration qu’il s’agissait bien de liquidation du cinéma français a été administrée aux éventuels sceptiques dès le second semestre 1946, par la marée de films américains : 338 pour le seul premier semestre 1947, et une production française passée de 96 en 1945 à 78 en 1947.

D’où l’indignation générale du milieu, et l’écho énorme rencontré ou gagné auprès des acteurs et metteurs en scène français par le PCF et la CGT (de Frachon), et le déroulement de manifestations de masse qui obligent le gouvernement en 1948, à l’ère Robert Schuman, symbole de capitulation générale, à une « révision », très partielle, des accords.

5/ Vous démontrez, archives à l’appui, que les accords signés depuis la guerre imposent à la France une soumission totale à la prédation américaine. On est en droit de se demander comment les « élites » françaises ont pu les accepter et abandonner ainsi tout patriotisme français Quels étaient les milieux politiques, professionnels, syndicaux… qui luttèrent et s’opposèrent ?

Ce que j’ai dit pour les Britanniques vaut pour les Français, dont la soumission est aussi éclairée par l’entre-deux-guerres.
La capitulation devant le Reich cumulait l’intérêt commercial et financier et l’intérêt sociopolitique : le régime à poigne mis en place en France dès les années 1930 (solidement installé entre avril 1938 et l’invasion allemande, exactement comme dans le Reich de Brüning, en 1930-1932), casse les reins aux salaires et aux salariés.

C’est compatible, je l’ai dit, avec le maintien voire l’amélioration des positions du sommet financier de la société. S’étonner de ce ralliement revient se demander si le Glaoui marocain était masochiste en cautionnant le pillage du Maroc par le colonialisme français.

Tous les dépendants du capital financier ont été mis au service de cette ligne : sommet de l’État, Finances en tête, confiées aux inspecteurs des Finances, futurs grands banquiers privés dans leur quasi-totalité, les rares demeurés hauts fonctionnaires étant aussi compréhensifs ; haut État-major, dont les pièces les plus intéressantes, dont Pétain et Weygand étaient gavées de cadeaux et prébendes ; grande presse, possédée ou inondée d’argent par les grands groupes financiers ; anticommunistes de droite et de gauche, la communauté de vues de la droite et d’une grande part de la « gauche officielle » éclatant d’ailleurs à l’ère vichyste.

Les plus antinazis d’entre eux (il y en eut, notamment au sein de la SFIO) se rallièrent tôt à la bannière américaine. Les autres tardèrent parfois jusqu’à l’été 1944, mais rattrapèrent leur retard avec application.

La connaissance de long terme du milieu éclaire la tapageuse mutation des plus « continentaux » en hérauts du grand air frais de la « liberté économique » à l’américaine.

Mes collègues s’extasient sur les inspecteurs des Finances épris du libre marché depuis leur ralliement à la Pax Americana. Ils ont donc mis le boisseau sur leur phase précédente, que certains d’entre eux, par leurs recherches de thèse, connaissaient pourtant bien. Ils postulent une option spontanée pour la « modernité » atlantique, après avoir tu ou minoré le caractère très pro-allemand de leur époque « continentale ».

Je relie ces deux phases, ce que la Doxa juge intolérable. Même des historiens anglophones antimarxistes, tel Richard Vinen, avaient pourtant admis en 1991 qu’il n’y avait pas eu de patrons plus pro-américains que les plus pro-allemands de la phase précédente. Ça consolidait les effets de leur non-épuration systématique (The politics of French business 1936-1945, Cambridge, Cambridge University Press, 199, non traduit), favorisée par l’anti-américain mais très conservateur de Gaulle (voir La Non-épuration en France de 1943 aux années 1950).

Ce n’est pas sacrifier à l’intérêt partisan qu’affirmer que les principales forces organisées à s’être constamment opposés à la ligne d’appui sur le tuteur étranger, allemand puis américain, ont été les communistes, « politiques » du PCF et « syndicaux » de la CGT-Frachon.

Bidault leur en donnait acte : le ministre des Affaires étrangères de De Gaulle, chef du MRP, parti auto-déclaré « gaulliste », se lamentait secrètement, dès 1945, auprès des dirigeants américains, de ne pouvoir renoncer à ses positions officielles sur l’Allemagne.
Un tel aveu aurait provoqué l’effondrement de son parti, dont la force électorale reposait sur la défense d’une ligne allemande « dure », passant par l’octroi de « réparations » à la France, en charbon de la Ruhr et en main-d’œuvre de prisonniers de guerre.

Il faut y ajouter les gaullistes, c’est-à-dire, d’une part de Gaulle lui-même et quelques rarissimes fidèles dans son entourage même, et la forte mouvance gaulliste de la population.

Mais, comme il ressort du présent ouvrage comme des précédents, de Gaulle était lui-même ambigu et surtout isolé.
Ambigu parce rallié à la Pax Americana par ses options sociopolitiques, anticommunistes et antisoviétiques, partagées avec les élites françaises que servait sa politique intérieure.
Isolé parce qu’elles haïssaient sa fronde permanente contre le guide américain.

Comme, de 1958 à 1969, de Gaulle est allé plus loin dans la fronde, les Américains ont joué un rôle majeur dans son éviction, après avoir annoncé à son de trompe depuis 1967, via leur grande presse, qu’ils disposaient d’assez de soutiens intérieurs en France pour se débarrasser ad nutum de ce gêneur.
Je le dis après dépouillement des fonds diplomatiques de la période considérée.

La SFIO, dépendante depuis l’entre-deux-guerres, de fait et de droit, de Washington, en particulier dans sa composante blumiste (sans parler de celle qui avait soutenu Vichy jusqu’au bout), était légitimement tenue par Washington pour la plus sûre.
Elle n’avait même pas fait semblant de soutenir les positions françaises en Allemagne, affichant un esprit « européen » avant même la fin de la guerre.

Le bailleur de fonds américain appréciait sa docilité, mais ne pouvait surmonter l’écueil de sa faiblesse électorale. La SFIO allait aussi loin dans l’abdication nationale que la droite patronale « classique », ouvertement non ou antigaulliste, qui vomissait toute tentative de De Gaulle de desserrer l’étau et qui l’insulta après son retrait de janvier 1946 pour avoir par ses foucades bafoué le bienfaiteur américain, notamment l’excellent Roosevelt, si francophile.

Paul Leroy-Beaulieu, conseiller économique du général Pierre Koenig, signe l’accord d’application du plan Marshall au Quai d’Orsay à Paris le 10 juillet 1948 en présence d’Averell Harriman (G), coordinateur des États-Unis pour la relance européenne, Hervé Halphand, chargé des affaires économiques au ministère français des Affaires étrangères, et l’ambassadeur américain à Paris Jefferson Caffery. © AFP

6/ Page 382, vous ouvrez un chapitre intitulé « L’inoxydable doxa ». Malgré les faits, malgré les preuves archivistiques, on continue à les nier et à enseigner tout le contraire. Comment expliquer cette obstination ?

Le chapitre 9, intitulé « Des accords sociopolitiques de portée définitive », suggère quelle violence a atteint à l’Université « la guerre culturelle », mise en œuvre depuis 1941-1942, pour le monde entier, via l’Office of Strategic Services, ancêtre de guerre de la CIA : le triomphe des marchandises et des capitaux américains passait par l’atlantisation des élites, formation universitaire comprise, sur le modèle décrit dès 1984 (1e édition) pour « la fabrication d’une classe dirigeante atlantique » par Kees Van der Pijl : The Making of an Atlantic Ruling Class, Londres, Verso, 2012. Ouvrage, comme le flot anglophone entamé il y a plus de 60 ans, toujours pas traduit.

L’histoire contemporaine a logiquement été et reste un enjeu majeur de ce combat, ignoré malgré son défrichement avancé.
Il a triomphé d’autant plus aisément que l’Institut d’études politiques (« Science Po ») s’est érigé en guide officiel de l’histoire contemporaine des relations internationales depuis l’après-guerre, à l’initiative des titulaires de la chaire correspondante de la Sorbonne – université maîtresse des thèses d’État : Pierre Renouvin, à ce poste depuis 1920, puis son successeur de 1964, Jean-Baptiste Duroselle, naguère spécialiste, par sa thèse d’État (1949), des Débuts du catholicisme social en France (1822-1870) (Paris, PUF, 1951).

C’est à l’époque de l’« École libre des Sciences politiques » (1870-1944) qu’avait commencé, dans les années 1920, l’investissement américain stricto sensu des « recherches » sociologiques (de Raymond Aron) et historiques (Renouvin) : elles étaient financées par la « Dotation Carnegie pour la Paix internationale » (« Carnegie Endowment for International Peace ») : voir Katharina Elisabeth, Rietzler, « American Foundations and the ‘Scientific Study’ of International Relations in Europe, 1910-1940 », PhD inédit, University College, 2009, indispensable.

La Carnegie a été relayée à « Science Po » depuis la décennie 1950 par la Fondation Ford – deux des trois « Fondations bona fide », avec la Rockefeller (très influente depuis l’entre-deux-guerres, toute-puissante en Allemagne), truchement des fonds de la CIA comme l’a montré Frances Saunders, présentée plus loin.

La nomination de Duroselle à la Sorbonne marquait une étape majeure de la « guerre culturelle » atlantique, après l’échec d’une candidature en 1956 : l’ex-normalien, professeur du secondaire, catholique militant et chouchou de longue date de l’archevêché de Paris, avait été intronisé dès 1946 à « Science Po » par le très catholique (mais discret) Renouvin.
Nommé professeur à l’université de Sarrebruck (1950), fief du ministre des Affaires étrangères Robert Schuman, puis à Lille, le dauphin de Renouvin était aussitôt devenu l’hôte régulier des universités américaines. Il y intervenait sur un ton et des thèmes de Guerre froide, anticommunistes et antisoviétiques, consignés dans la revue des étudiants et dans la revue officielle (The Review of Politics) de l’Université de l’université catholique de Notre Dame, la première à l’avoir invité, en 1951.

Ce recrutement a, entre autres aspects décisifs pour l’atlantisation de l’histoire française des relations internationales, abouti à la publication, sous l’égide de la Fondation Ford (c’est-à-dire de la CIA), des Mémoires bidonnés de Monnet, confiés par Duroselle à deux de ses poulains.

Mon propos est si choquant que j’invite le lecteur à en rechercher démonstration.
La documentation est abondante : Markus Bodler, « Les historiens français et les États-Unis dans les années 1950 et 1960 », Nuevo mundo. Mundos nuevos, janvier 2010, en ligne ; « Der Historiker Jean-Baptiste Duroselle », thèse soutenue à la Helmut-Schmidt-Universität Hamburg, 2018, inédite ; Delphine Pandazis, Jean Monnet et ses Mémoires. Les coulisses d’une longue entreprise, Lausanne, Antipodes, 2018 ; Philippe de Villiers, J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, Paris, Fayard, 2019, agrémenté de 100 pages d’archives américaines ; ma communication à votre colloque 2021 sur le thème Enseignement de l’Histoire en péril « “Guerre culturelle” étatsunienne et histoire française des relations internationales du premier après-guerre au second », in Patrick Berthier, dir., L’enseignement de l’histoire en péril, Bats, Utovie, 2022, p. 85-104.) [N.d.l’E : pour visionner la vidéo de cette intervention, cliquez ici]

De la virulence de cette croisade a témoigné le destin éditorial de ma thèse d’État sur les rapports entre CGT et État entre 1944 et 1947 –amorce d’une exclusion de fait du milieu académique, malgré mes apparences professorales.
Duroselle, par ailleurs directeur des Publications de la Sorbonne, aurait motivé son refus de la publication – publiquement annoncée au jour même de la soutenance, le 7 novembre 1981 – par une impardonnable négligence des fonds américains.

Argument officieux, puisque, non-membre de mon jury, il était censé tenir compte de l’avis unanime de ce dernier, et surtout mensonger : il avait hurlé au téléphone, début 1982, que jamais il ne publierait cette « thèse communiste et anti-américaine ».

Du côté public, c’est la revue de Science Po Vingtième Siècle qui tira au canon de marine en 1987 contre ma carence archivistique et mon invention à visées idéologiques d’un « impérialisme américain » (après un premier tir de 1986 dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine).

Frances Saunders a montré en 1999, via l’exemple du Congress for Cultural Freedom fondé en 1949-1950, le rôle décisif, déjà évoqué, des grandes Fondations américaines comme paravent honorable des énormes fonds alloués par la CIA à la conquête des intellectuels européens, universitaires inclus.

Interdit de fait par l’épuisement définitif de sa traduction de 2003, Qui mène la danse, la Guerre froide culturelle (Denoël, 2003) se vend d’occasion autour de 250 € (à l’époque du Covid, jusqu’à 800 €).
Il avait été accueilli par le silence de plomb médiatique qui châtie les iconoclastes.

On peut se demander, dans ces conditions, si la disparition des exemplaires n’a pas été le fruit d’une rafle programmée.

7/ Tous vos ouvrages s’appuient sur des archives aux contenus implacables. Pour ce dernier ouvrage, avez-vous investigué dans de nouveaux fonds ?

J’ai passé vingt ans aux archives diplomatiques entre ma thèse d’État et 2010, séjour continu entre 1977 et les années 1990, où j’ai publié une masse d’articles, confidentiels, sur les relations franco-américaines, et Le Vatican, l’Europe et le Reich.
J’y suis retournée en 2021-2022 pendant sept mois, de l’ouverture à la fermeture, et ai photographié notamment les pièces « économiques » du lot, de 1940 au début des années 1950 : le contenu des accords est si sidérant que je ne pouvais courir le risque d’une interprétation erronée ou d’une faute de frappe – sans oublier le refrain académique du descriptif « à charge ».

J’ai complété les fonds français par les archives américaines publiées. Le maître de la Doxa « Science Po », 20 & 21, successeur officiel de Vingtième siècle (déchaîné en 2020 contre La Non-épuration en France de 1943 aux années 1950), a désormais motif formel à satisfaction : les fonds américains occupent dans Les origines du Plan Marshall une place considérable.
Leur croisement avec les archives françaises a cependant un effet objectivement si dévastateur pour la Doxa de la « démocratie » et de la « bienveillance » des États-Unis pour leurs amis et alliés que je doute du quitus.
L’enterrement succédera peut-être aux vociférations.

8/ Une dernière question. Envisagez-vous une suite à votre ouvrage ? Par exemple sur le plan Marshall stricto sensu et ses conséquences aujourd’hui, disons, avec par exemple l’Union européenne ?

Je voulais couvrir, « Plan Marshall » inclus (1948-1951), ce qui avait suivi la capitulation du 28 mai 1946 et rendre compte de la mutation économique, politique, syndicale, culturelle et militaire de la France en « pays Marshall » (terme du Département d’État depuis la fin de 1948) et son rôle secondaire par rapport à l’Allemagne occidentale prioritairement reconstruite et réarmée.

Les sources, qui poussent jusqu’à la caricature les traits de la colonisation étudiée dans ce premier volet, montrent comment la France est devenue un fief anticommuniste, antisoviétique, conformément à la tradition établie dans l’entre-deux-guerres, « européen » de la zone d’influence américaine sur le Vieux Continent, et un pilier politique du Pacte atlantique (avril 1949).

À défaut d’être le pilier militaire de son organisation militaire de la fin 1950, l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord : cette fonction avait été assignée aux « nombreuses générations bien aguerries » d’Allemagne contre les « armées russes », formule du 19 mars 1949 de l’ambassadeur de France Henri Bonnet, un an et demi avant la fondation de l’OTAN.

Rappelons que la supposée « attaque » nord-coréenne du 24 juin 1950 contre le Sud (*) fut présentée comme la cause à la fois de la guerre de Corée et du réarmement allemand.

Je souhaitais d’autant plus aller au-delà des accords Blum-Byrnes que l’ouvrage économique Aux origines du carcan européen, 1900-1960 (Paris, Delga, 2016) ne traite pas des aspects politico-militaires.

Mais l’impératif d’une étude précise des dispositions économiques de la première phase avait généré un gros ouvrage, dont il était difficile d’augmenter le volume.
Les éditeurs redoutant le sort commercial des « suites », celle des Origines du Plan Marshall dépendra évidemment de sa diffusion.

(*) : Sur ladite « attaque », les fonds classés du Quai d’Orsay font défaut jusqu’à la fin juillet 1950, comme par destruction brutale, invraisemblable en temps de paix.
Ce qui a surnagé des fonds démontre une origine américaine de la guerre de Corée.
Voir mon article « La perception militaire de l’URSS par l’Occident au début des années cinquante : peur de l’Armée rouge ou “ogre soviétique”? » in Cahiers d’histoire de l’institut de recherches marxistes, n° 46, 1991, p. 19-61.

Henri Guillemin et l’Affaire Pétain

Jaquette du coffret DVD/Livre

Une autre façon de ne pas se laisser monter sur la cervelle (*) est de s’intéresser à l’important travail que Guillemin consacra à l’Affaire Pétain et au régime de Vichy, en plongeant dans le très riche coffret DVD/Livre édité par Les Mutins de Pangée, coproduit avec les éditions Utovie et Les Amis d’Henri Guillemin (LAHG).

(*) Titre d’un article d’Henri Guillemin publié dans La Tribune de Genève le 16 octobre 1968. Article repris De l’Histoire et de la Littérature – sélection d’articles 1964-1974 Dir. Patrick Berthier, Ed. Utovie.

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Qui était vraiment Philippe Pétain ? Henri Guillemin, par un travail exemplaire de démythification historique, dresse le portrait d’une figure emblématique de l’Histoire française.

En mai 1981, Henri Guillemin inaugure une nouvelle série de 12 leçons d’Histoire à travers l’émission Henri Guillemin vous parle diffusée sur l’antenne de la Radio Télévision Suisse (RTS). Il explore toujours son thème de prédilection, celui de la trahison des élites, des gens de biens, à travers le décryptage de grands événements ou de grandes figures historiques.

Quel est le contenu du coffret Henri Guillemin et l’affaire Pétain ?

12 conférences filmées, soit 6 heures passionnantes, en 3 DVD :

DVD 1 : TRAVAIL

1. La montée du Fascisme : L’extrême droite est de plus en plus influente dans les années 1930 (diffusion : 3 mai 1981)

2. Pétain avant 1934 : C’est à Verdun que se crée la « légende » de Philippe Pétain (diffusion : 10 mai 1981)

3. Le politicien : de la politique de 1934 à la victoire du Front populaire (diffusion : 17 mai 1981)

4. La défense nationale : Pétain envisage une Révolution nationale dès la fin des années 30 (diffusion : 24 mai 1981)

DVD 2 : FAMILLE

5. Un étrange Maréchal : pour l’éloigner de Paris, Pétain est nommé ambassadeur à Madrid (diffusion : 31 mai 1981)

6. Le but est atteint : L’armistice signé, les pleins pouvoirs sont accordés à Pétain (diffusion : 7 juin 1981)

7. L’an 1940 : début de la politique de collaboration voulue par Pétain (diffusion : 21 mai 1982)

8. Avec Darlan : entre 1941 et 1942, la Révolution nationale prend une nouvelle envergure

DVD 3 : PATRIE

9. Laval réapparaît : la « zone libre » est occupée et Pétain s’accroche au pouvoir (diffusion : 28 mai 1982)

10. L’asservissement : la Résistance s’organise et Pétain crée la Milice pour la combattre (diffusion : 30 mai 1982)

11. La fin : en 1944, c’est le début de la fin pour Pétain et le régime de Vichy (diffusion : 4 juin 1982)

12. Constats : conclusion et bilan sur le régime de Vichy et le maréchal Pétain (diffusion : 6 juin 1982)

Quel est le contenu des bonus ?

1/ Débat télévisé sur l’affaire Pétain – 52 mn – RTS (1982)

Avec Jacques ISORNI, avocat du Maréchal Pétain – Henri GUILLEMIN, historien – Jean-Noël JEANNENEY, homme politique – Henri AMOUROUX, écrivain et Jean-Raymond TOURNOUX, journaliste.

2/ Livre : La vérité sur l’affaire Pétain

Edition revue et remaquettée (248 pages).
Préface inédite d’Annie-Lacroix Riz, Professeure émérite d’histoire contemporaine Université Paris7- Denis Diderot

3/ Compléments vidéo en ligne sur www.affairepetain.fr

Il s’agit de 11 heures d’analyses historiques inédites de l’historienne Annie Lacroix-Riz, spécialiste de cette période historique.

Dans cette série, produite par la société Les Films de l’An II, elle revient sur chacune des 12 conférences d’Henri Guillemin, pour les enrichir, les compléter ; confirmant ainsi la puissance d’analyse critique d’Henri Guillemin dans le champ de l’Histoire politique.

Comment commander : cliquez ici

Nos voeux

Cette lettre est la dernière de l’année 2023.

Rendez-vous dès la Nouvelle Année avec les diffusions des vidéos des interventions du colloque de novembre dernier consacré à l’Affaire Dreyfus.

En attendant, en ces derniers jours de décembre qui nous acheminent doucement vers le solstice d’hiver, ce moment à partir duquel tout redémarre, l’association Les Amis d’Henri Guillemin vous souhaite de belles et joyeuses fêtes de fin d’année et vous remercie de votre fidélité.

LAHG