Le 22 janvier dernier, les éditions Utovie nous apprenaientla parution du dernier ouvrage d’Henri Guillemin restant à publier. L’ouvrage Réalité et signification de l’Histoire clôturait une aventure éditoriale démarrée trente ans auparavant. Ainsi, avec cet ultime ouvrage de Guillemin, Utovie venait de terminer la réédition de la totalité des œuvres de Guillemin, à savoir près de quatre-vingts ouvrages, livres et livres CD d’Henri Guillemin qui sont aujourd’hui disponibles.
Pour relire la newsletter que nous avions alors diffusée à cette occasion, cliquez ici.
Jean-Marc Carité, directeur des éditions Utovie, accompagnait cette information d’un petit message que nous reproduisons ici :
C’est en 1997 que je signais avec Philippe Guillemin (fils aîné et représentant les héritiers d’Henri Guillemin) le contrat pour la réédition des œuvres complètes de notre historien préféré. Même si nous avions déjà réédité quelques ouvrages, du vivant d’Henri Guillemin, son œuvre restait « exploitée » par ses éditeurs successifs : Gallimard, Le Seuil, Arléa. A son décès en1992, force fut de constater que ces éditeurs s’en désintéressaient complètement.
Titres épuisés non réédités. Disparition des catalogues. La flamme Guillemin n’étant plus là, il ne fallait pas compter sur eux pour entretenir ce foyer incandescent qui avait enthousiasmé Jean Lacouture : « Apprivoise-t-on une flamme ? Questionne-t-on le feu ? Interroge-t-on un brasier ?»… affirmait-il dans Une certaine espérance.
Je me suis fait de ce travail un devoir quasi filial. En souvenir de mon père, bien sûr, « camarade d’Henri Guillemin » pendant de longues années, depuis Marc Sangnier et le Front Populaire. En fidélité pour Guillemin lui-même dont j’avais découvert, jeune, dans le bureau paternel, les travaux iconoclastes qui m’enthousiasmèrent.
Presque trente années plus tard, je mets un point final à cet immense travail dont je mesure la portée et l’honneur et qui constitue une de mes plus grandes fiertés d’éditeur.
Même si je ne doute pas de la capacité de notre ami Patrick Berthier à dénicher encore quelques pépites, même si nous aurons l’occasion de révéler des écrits de jeunesse laissés dans l’ombre, l’essentiel est là, en tout cas la totalité de ce qui fut publié de son vivant. Il y aura aussi, bien sûr, les actes des futurs colloques organisés par nos amis des associations Présence d’Henri Guillemin et Les Ami(e)s d’Henri Guillemin.
Je vous remercie de l’attention que vous portez à ce travail et de l’écho que vous lui donnerez.
Mais cet immense travail éditorial méritait beaucoup plus qu’une annonce rapide autant que modeste. Il était nécessaire qu’on en connût tous les détails. Et puisqu’il s’agit d’une sorte d’aventure, il nous fallait le récit détaillé de ce long voyage, plein de passion et d’opiniâtre labeur.
Jean-Marc a donc pris la plume pour nous donner à lire aujourd’hui le récit de cette aventure haute en couleurs : un ouvrage de 24 pages, intitulé Editeur d’Henri Guillemin par passion et fidélité. Un récit illustré de photos, de documents et surtout de manuscrits inédits de Henri Guillemin.
Extraits
Pourquoi êtrel’éditeur d’Henri Guillemin :par passion et fidélité
Avant 18 ans, déjà, j’ai découvert Henri Guillemin par ses livres que Gallimard adressait en service depresse à mon père, Maurice, qui fut toute sa vie également critique littéraire.Tous deux s’étaient rencontrés chez Marc Sangnier dans les années 30, au moment de JeuneRépublique(qui succéda au Sillon) et du Front Populaire. Il y eut une grande fidélité réciproque. Mon père chroniquant régulièrement les livres d’HG dans ses collaborations diverses avec un échangeépistolaire suivi. Deux dédicaces en témoignent : l’une pour la première édition du Flaubert devant la vie et devant Dieu, l’autre pour la première version deson livre sur la Révolution de 1848.
Dire que je suis tombé dans la marmite enfant serait exagéré sans doute.Mais, enfin, avant de devenir éditeur, un de mes premiers « vrais » articles fut consacré à sa Jeanne d’Arc. Le virus dès lors était à l’œuvre.
Succédant à mon père, mais dans d’autres publications, je recensais lesnouveaux livres d’Henri Guillemin.Jusque dans une revue que j’avais fondée : « Tripot » (revue « mal famée ») et que j’éditais depuis 1974 avec Marie Fougère.
En 1977 nous lui rendons visite à Neufchâtel en Suisse pour préparerun numéro spécial de cette revue, le numéro 20 « Avec Henri Guillemin ». Plusieurs heures d’entretien. Un repas simplement partagé. Un petit clopet pour lui. Reprise. Puis visiblement (Jacques Bertin eut la même impression une décennie plus tard), il en avait déjà assez dit, le travaill’attendait… Et, justement, nous avions un train à telle heure, ce serait dommage de le rater. De toute manière le charme et la force de conviction avaient opéré.
Nous ramenions cet enregistrement comme un trésor que nous avons publié, très largement revu et corrigé (voire expurgé) par HG lui-même, dans cet hommage « AvecHenri Guillemin ». Nous y reprenions aussi son texte « Rappelle-toi, petit » qui raconte le coup d’Etat deNapoléon III vécu dans un petit village du mâconnais. Que nous avons édité l’année suivante dans notre collection « Jeunesse ».
Modestedébut, certes, mais début tout de même de l’édition de son œuvre. Et nous lui avions demandé : « si l’occasion se présente de rééditer certains de vos livres épuisés… ? » Sans hésiter il nous répondit : « Allez-y, tout ce que vous voulez ! Allez-y ». Un peu plustard il m’écrivit : « Pour Utovie, liberté absolue ! ».
Dès lors, nous nous sommes enhardis et lui avons proposé chaque fois que cela nous semblait possible derééditer ses ouvrages parus hors « grandes » maisons et épuisés sans reprise envisagée.
Et c’est parti ! Comme dans un vaisseau sortant du port tranquille, nous sommes embarqués pour une traversée relatant trente années d’opiniâtre labeur et d’indéfectible amitié, affrontant vents et marées, bonnes et mauvaises nouvelles, émotion et déception, et toujours à bord, la passion d’entreprendre et la volonté de réussir.
Annie Lacroix-Riz à la librairie Tropiques le 15 janvier 2025 lors de sa conférence.
L’écho de nos colloques aujourd’hui
La réédition de cet ouvrage totalement oublié fait directement suite à notre colloque Guillemin, donné à l’Ecole Normale Supérieure le 17 novembre 2018 sur le thème « Pétain, montée du fascisme, débâcle de 1940, collaboration »
A ce colloque, parmi les interventions portant centralement sur le choix de la défaite mis en œuvre par le régime de Vichy, retenons celle de Jean Chérasse : « La prise du pouvoir par Pétain serait-elle fortuite ? Un décodage à travers le témoignage du Général J.H. Jauneaud ». (Pour en savoir plus sur ce livre intitulé « J’accuse le maréchal Pétain », préfacé par Henri Guillemin,cliqueziciet pour lire l’intervention de J. Chérasse, cliquez là).
Et retenons l’exposé d’Annie Lacroix-Riz « Causes, conditions et objectifs du choix de la défaite de 40 ». (Pour en savoir plus et lire son intervention, cliquez ici).
Cette réédition est un événement et une source d’information exceptionnelle pour connaître l’histoire du fascisme en France et celle du régime de Vichy en particulier, sujet politique ouvert par Henri Guillemin à travers son ouvrage précurseurl’Affaire Pétain.
Aujourd’hui, sur base de recherches historiographiques nouvelles, l’historienne Annie Lacroix-Riz, spécialiste de cette période historique,complète l’ouvrage d’une très riche postface inédite de cent pages, agrémentée de photos rares et explicites. Dans sa postface, comme dans sa conférence filmée mise en ligne ci-dessous, elle confirme l’importance de l’ouvrage et y apporte d’incontournables nouvelles informations : celles concernant les non-dits de Raymond Brugère dus à son appartenance de classe, et celles, d’une implacable vérité historique issue des archives, relatives à la collaboration financière, économique et politique de l’oligarchie française avec le Reich nazi.
Ainsi nous découvrons non seulement, de façon très détaillée, les rouages du régime de Vichy, la compromission des élites, mais aussi les rapports de force géopolitiques de la période.
« Il est incontestable qu’il y a en France (et ailleurs) une résurgence du fascisme…», disait Henri Guillemin dans une conférence diffusée en 1987. Il étudiait le climat politique et social en France depuis 1875 qui créera le terrain favorable à l’introduction et à la montée du fascisme jusqu’à sa forme gouvernementale (l’Etat français de Pétain) et aux tentatives putschistes de la guerre d’Algérie. Et l’on peut dire également après, jusqu’à nos jours, chaque fois qu’une crise systémique menace les « gens de biens ».
Raymond Brugère (1885– 1966)
La carrière diplomatique de Raymond Brugère débute en 1911 en tant qu’attaché d’ambassade au cabinet du ministre des Affaires étrangères. Il est nommé à Pékin l’année suivante. Mobilisé lors de la Première Guerre mondiale, blessé au combat, il est successivement nommé à Madrid en 1916, à Copenhague en 1918 et à Ankara en 1924. Concernant la politique française d’entre-deux guerre, il soutient celle de la fermeté menée par Raymond Poincaré. En 1934 il est nommé ministre plénipotentiaire à Ottawa et en 1937, il est nommé à Belgrade pour maintenir l’alliance franco-yougoslave.
Lorsqu’il constate la cynique stratégie française de collaborer avec le Reich, il rend avec courage et fracas sa démission le 17 juin 1940.
Il écrit : “Ma résolution est prise, je refuse de servir un gouvernement, fut-il présidé par le vainqueur de Verdun, qui signerait la capitulation de la France”.
Une situation politique que confirmera plus tard Annie Lacroix– Riz avec une implacable démonstration sur base d’incontestables sources archivistiques, dans son ouvrage Le choix de la défaite, au titre explicite.
Après ce coup d’éclat, Raymond Brugère entre en Résistance mais est arrêté en 1942 et interné jusqu’au 8 juin 1944. A son retour à Paris, de Gaulle le nomme secrétaire général du Quai d’Orsay. Puis de 1944 à 1947, il est ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en Belgique. A la fin de sa carrière il se consacre entièrement à la création du nouveau parti politique gaulliste Rassemblement du Peuple Français (RPF).
Deux extraits de Veni, Vidi Vichy…et la suite
Le chapitre III porte sur l’installation brutale du nouvel « Etat français » voulu par Pétain. Brugère relativise la passivité de l’opinion française. Si l’on peut ne pas partager son avis, on peut par contre méditer la finesse de son propos en le comparant à la lumière de la situation actuelle.
« J’aime mieux continuer à combattre avec un général de Gaulle que capituler avec un Maréchal de France. Cette pensée émise à Belgrade sous cette forme « slogan », dès la fin de juin 40, par notre ami Rosambert, reflétait, j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, l’état d’esprit de la quasi totalité des Français de Yougoslavie. En dehors de son côté circonstanciel, elle exprime cette vérité permanente que si le prestige personnel peut, auprès d’un public mal informé, avoir pour un temps la valeur d’un préjugé favorable, il ne saurait couvrir indéfiniment les abus, fautes, crimes que l’on voudrait commettre sous son égide.
Cela aura été l’erreur de Vichy, comme celle des Allemands, de croire que l’on pouvait tromper tout le monde tout le temps. Le peuple de France, avec ses antennes de bon sens dix fois séculaires, a vite fait de déceler où l’on veut contre son gré le pousser. Toute l’histoire de la dictature-faillite Pétain se résume en celle de ce divorce entre l’opinion publique et celui dont, pour des fins inavouables, on avait voulu en partant d’un glorieux passé faire son idole.
Les auteurs de ce battage auquel Pétain se prêtait si niaisement, ne paraissaient pas se douter que plus on hissait haut leur ersatz de grand homme, plus on en gratterait le vernis et plus sa chute serait verticale. Leurs services de propagande, je devrais dire de propagation de la Foi, eussent été bien inspirés de méditer le livre de Gustave Lebon sur la psychologie des foules. »
Le chapitre V porte sur les groupes de pression et en particulier sur la synarchie. Qu’un haut fonctionnaire de ce niveau utilise ce terme montre que, loin d’être le mythe toujours véhiculé par l’historiographie académique, la synarchie existe bel et bien ; et aujourd’hui toujours, sous une forme différente, mondialisée ou transnationale.
Postface ; illustration page 247 ; photo prise par LAHG
« Si dans le combat que je menais contre Vichy auprès de mes collègues étrangers, il m’était relativement aisé de décortiquer à leurs yeux l’action individuelle et les tenants et aboutissants des gens comme Pétain, Laval, Brinon, etc, par contre je me heurtai – surtout en fin 40 et 41 – au travail mystérieux et souterrain d’une équipe à ramifications financières internationales dont on ne savait trop au juste qui tenait les fils et quelles en étaient les appartenances et aspirations politiques.
Il s’agit de la fameuse « synarchie », sorte de société secrète groupant un petit nombre d’industriels – polytechniciens, hommes de banque, investisseurs des Finances – qui, les uns et les autres, aspiraient sur des bases antiparlementaires, sinon à la reprise du pouvoir, du moins à la prise des leviers de commande économiques du pays. L’un des promoteurs de cette société aurait été un certain Jean Coutrot : son chef, en 1940, paraissait être Gabriel Leroy-Ladurie, inspecteur des finances.
Le mot « synarchie », et aussi les idées dont cette sorte de franc-maçonnerie se recommandait, ont été empruntées à Saint-Yves d’Alveydre, curieux esprit solitaire farouchement déchaîné contre le « matérialisme gouvernemental », contre les « demi-lettrés dépourvus de toute science sociale », contre tous ces « demi-bacheliers paresseux se glissant dans les poches des traites sur les fonds publics »…«
La postface d’Annie Lacroix-Riz( extraits )
Veni, Vidi Vichy parut d’abord début septembre 1944, chez un grand éditeur parisien, victime de l’aryanisation sous l’Occupation, Calmann-Lévy, mais dans un quasi-secret à « cinq cents exemplaires hors commerce » et ne fut donc que très faiblement diffusé.
Dans la minorité privilégiée des lecteurs de 1944 figurait – Brugère le signala dans son introduction de la deuxième l’édition – l’historien américain professeur à Harvard et, simultanément, espion de premier plan de l’Office of Strategic Services (OSS) puis de la Central Intelligence Agency (CIA), William Langer.
Langer, préposé, à ce titre, aux préparatifs du combat à mort des États-Unis contre l’URSS, était aussi, par fonction, on le verra, un observateur avisé de la France, pays constituant la base de départ obligée de la future invasion américaine du continent européen, et de ses classes dirigeantes. […]
Postface ; illustration page 255 ; photo prise par LAHG
L’édition du nouveau Veni, Vidi Vichy, publiée huit ans et demi après la première, était à nouveau destinée, de principe, à un public limité. Sa prise en charge par un obscur éditeur, Deux–Rives, interdisait d’emblée une diffusion de masse. L’ouvrage, si on le rapporte aux faits établis par les archives originales entre les années 1930 et l’après-guerre, fournit pourtant un complément d’information ou une confirmation.
[…/…]
Veni, Vidi Vichy, deuxième mouture, allait d’ailleurs beaucoup plus loin dans la critique qu’à l’orée de l’automne 1944. La répugnance du diplomate envers la tutelle des États-Unis, violemment anti gaullistes, était déjà marquée alors qu’il inaugurait ses fonctions de secrétaire général des Affaires étrangères. Elle fut exprimée plus nettement pendant la Guerre froide et en pleine bagarre sur la Communauté européenne de Défense – presque au terme des quatre ans de gestion des Affaires étrangères par le ministre le plus ouvertement soumis aux États-Unis depuis la Libération, le « Père de l’Europe » Robert Schuman.
C’est dire l’importance du témoignage de cet ambassadeur exceptionnel, seul démissionnaire du corps diplomatique de l’époque, et que de Gaulle nomma à son retour à Paris secrétaire général du Quai d’Orsay, c’est-à-dire second personnage officiel, derrière le ministre, du ministère des Affaires étrangères : c’était rendre hommage aux mérites patriotiques exceptionnels que s’était acquis, dès le 17 juin 1940, le secrétaire général-éclair quasi inconnu de tous.
Pour aller plus loin
Pour approfondir ce sujet, le mieux est de rappeler notre newsletter du 24 juin 2024 dans laquelle nous présentions nos conseils de lecture.
Nous mentionnions : ● La conférence audio Le fascisme en France par Henri Guillemin. Editions Utovie. ● Le coffret DVD/Livre L’affaire Pétain par H. Guillemin. ● Le choix de la défaite de A. Lacroix-Riz. Edition Dunod poche. ● Industriels et banquiers français sous l’occupation de A. Lacroix-Riz. Précisons que cet ouvrage sortira en version poche en juin prochain.
Tout est détaillé dans cette newsletter. Pour la relire, cliquez ici
La conférence vidéo d’Annie Lacroix-Riz
Nous reprenons ici la vidéo réalisée le 15 janvier 2025 par les équipes de la librairie Tropiques.
Caricature des trois ordres. Eau-forte en couleur imprimée à Paris sans nom en 1789 – Musée Carnavalet Paris – Couverture de la première édition chez Arléa, mai 1989. Réédition chez Utovie en 2012.
Gens de biens, gens de rien
A travers cette expression en forme de jeu de mots, qui constitue l’un des fils directeurs traversant l’ensemble de ses travaux, Henri Guillemin a toujours projeté une lumière crue et directe sur cet invariant historique : les rapports de classes, donc de force, entre les possédants, ceux qui ont des biens, une minorité, et ceux qui n’en ont pas ou très peu, la majorité. Il dénonçait aussi avec la même vigueur l’acharnement déployé par les classes dirigeantes pour sauvegarder et même accroître leurs richesses, utilisant pour cela un arsenal de stratagèmes, mensonges et compromissions dirigés contre le peuple pour le déposséder des moyens nécessaires permettant d’établir une justice sociale et politique légitime.
Cette dénonciation, Henri Guillemin la développa avec une singulière colère en 1989 au moment des festivités du Bicentenaire dans Silence aux pauvres ! Un libelle au titre clair et sans ambages. (Pour aller dans la bibliothèque, cliquer ici)
Avec cet ouvrage, Guillemin mit un bon coup de pied dans le consensus mou qui présidait alors aux festivités totalement inspirées par les écrits de l’historien alors en vogue, François Furet, auteur de Penser la Révolution française. Dans ce livre, en effet, Furet s’opposait frontalement à l’historiographie universitaire jusque-là ancrée à gauche, reposant entre autres sur les travaux d’Albert Mathiez, Georges Lefebvre, et Albert Soboul. Sa thèse cherchait à montrer que la Révolution française n’était que la matrice des totalitarismes modernes. Dans le contexte géopolitique de la fin des années 1980 marqué par la chute de l’URSS et le triomphe du néo-libéralisme, Furet, ancien communiste, se coula avec une étonnante rapidité dans le moule de la pensée dominante, ce qui lui valut en retour gloire et célébrité ; l’élémentaire vérité historique passant au second plan ; une tactique toujours en vogue aujourd’hui.
Silence aux pauvres !, si Guillemin ne le nomme jamais, il cherchait clairement à démonter les thèses de Furet en s’opposant avec la plus grande vigueur au consensus contre-révolutionnaire de l’époque qui visait à faire passer la période emblématique 1792–1794 pour un malencontreux et déplorable dérapage. Ainsi, fidèle à son indéfectible engagement, Guillemin contredisait les idées dominantes, à la fois médiatiquement et politiquement.
Qu’on en juge sur pièces et laissons la parole à Henri Guillemin. Voici, ci-dessous la retranscription de son avant-propos. (Les références de pagination sont celles de l’édition Arléa)
J’avais pensé à Eloge des vaincus. Mais il fallait avoir lu mon petit texte pour comprendre ce titre-là : les vaincus ? Ceux que liquida le 9 thermidor, avec, en quarante-huit heures, la plus belle fiesta de la guillotine, plus de cent dix têtes coupées le 10 et le 11. Ceux qui avaient cru en la Révolution, en une révolution où non pas seulement seraient changées les structures, mais d’abord et avant tout serait modifié le regard de l’homme sur la vie, et l’emploi de ses jours. Immédiatement limpide, en revanche, ce titre : Silence aux pauvres !
Deux raisons m’ont comme poussé par les épaules pour me dicter ce…..quoi ? Dirai-je, à la cuistre, ce précis des événements qui se déroulèrent chez nous de 1789 à 1799, ce résumé didactique de la Révolution ? Premier mobile : l’état violent d’ « insupportation » (ce néologisme est de Flaubert) que je dois à l’étalage tintamarresque et péremptoire d’une doctrine où la Révolution, d’une part, se dilue sur près d’un siècle, et d’autre part – c’est ça la grande trouvaille – dérape (tel est le mot-clé, le mot de passe, le label d’initiation), dérape, oui, très vite ; dès la Législative, le mal est fait ; autrement dit, la sagesse eût été un gouvernement à la Louis-Philippe. Et donc la République relève d’un dérapage. Pas mal, non, pour le Bicentenaire ? Original en tout cas.
L’autre mobile qui s’est emparé de mon stylo pour lui donner la fièvre, c’est l’affaire de la Propriété, dont je trouve qu’on l’oublie un peu trop dans les récits et commentaires usuels sur la Révolution. Ce qu’il faut savoir, et capitalement, c’est que, dès la réunion des Etats généraux, une grande peur s’est déclarée chez les honnêtes gens – formule, je crois bien, que nous devons à La Fayette ; honnêtes gens = gens de bien, gens qui ont du bien, des biens ; au vrai, les possédants, face à ceux que l’on va exclure du droit de vote et de la garde nationale, les non-possédants, les gens de rien. Robespierre est un des rares – des très rares – révolutionnaires à souhaiter chez les exploités (des champs et des villes) une conscience-de-classe. Il n’y parvient pas. Trop tôt. Attendons l’expansion industrielle du siècle suivant et les concentrations de prolétaires. En revanche, chez les gens de bien, elle est là, dès 89, la conscience-de-classe, vivante, je vous l’assure, lucide, effarée, agressive ; il n’est, pour s’en rendre compte à ravir, que de regarder et d’écouter madame de Staël, Sieyès, Barnave et cent mille autres. Et tout va se jouer sur ce sujet même, avec l’épouvante (croissante pendant plus de cinq ans) de ceux qui ont en présence de ceux qui n’ont pas, qui n’ont rien et qu’il s’agit à tout prix (et constamment) de surveiller et de contenir d’abord par le déploiement avertisseur de la force, le 14 juillet 1790, ensuite par son usage crépitant et persuasif, le 17 juillet 1791.
Les trois assemblées qui vont gouverner jusqu’au Directoire : l’Assemblée nationale, la Législative, la Convention, seront toutes les trois – la Convention aussi – composées de propriétaires. La première, au lendemain des émeutes rurales de juillet 1789, aura soin de doter la Propriété d’un attribut inédit, renforcé, solennel. Et nous admirerons Danton, le jour même où la Convention tiendra sa première séance, apportant au soutien de la fortune acquise un adverbe inattendu, et grandiose (*). Odieux, intolérable, ce Robespierre qui ose, en avril 1793, proposer une limite officielle au droit de propriété. Il est fou ; un malfaiteur, un anarchiste.(**)
Enfin, les honnêtes gens vont respirer le 9 thermidor. Quelle délivrance ! Ne s’est-on pas risqué, au Comité de Salut public (automne 93), à intervenir dans l’ordre économique – établissement d’un maximum pour les prix des denrées – alors que le dogme des Girondins comportait une abstention rigoureuse, absolue, de l’État en ce domaine. C’est la Convention – eh oui ! Elle-même -, ayant repris son vrai visage et jeté le masque qu’elle s’imposait par effroi des robespierristes, qui va saluer d’acclamations Boissy d’Anglas énonçant, à la tribune, cette vérité fondamentale : « un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre naturel ».
Imparfaite, insuffisante, la rectification thermidorienne. Le principe républicain subsiste, redoutable en soi quant à l’essentiel. Brumaire fermera la parenthèse sinistre ouverte par le 10 août 92 et le suffrage universel. Plus d’élections du tout, ni de République, mais le bonheur, la béatitude reconquis par Necker et ses amis banquiers. A la niche, une bonne fois, les gens de rien.
(*) Ce passage est explicité page 90 : « La Convention a tenu sa première séance le 21 septembre, et Danton prononce un discours où figurent les mots-clés qu’exige le moment : « Peuple français, sois rassuré ! Voici la République. Tu n’as que des bienfaits à attendre d’elle, et quant aux propriétés, quelles qu’elles soient, elles seront éternellement respectées, protégées ». Cet adverbe est inusuel dans la langue juridique. Mais, pour l’apaisement des esprits au lendemain d’une aventure pareille à celle du 10 août, rien ne saurait être excessif dans la solennité des promesses concernant la fortune acquise, sa liberté d’accroissement et sa pleine sécurité. »
(**) Ce passage est détaillé page 99 : « En ce même mois d’avril 93, Robespierre horrifie les honnêtes gens en réclamant, dans la nouvelle Déclaration des droits de l’Homme, l’insertion d’un article qui limiterait le droit de propriété. L’argumentation de Maximilien est toute simple : vous n’avez pas aboli l’esclavage dans nos colonies, la traite des Noirs subsiste ; demandez à un négrier ce qu’est ce bateau (« je me trompe, disait Robespierre, ce cercueil flottant ») dans lequel sont entassés des hommes, des femmes et des enfants à la peau noire et dont beaucoup meurent en route, il vous répondra calmement : « Ceci est ma propriété ». Eh non ! Nul homme ne saurait être propriétaire d’un autre homme. De même que la liberté a pour limite la liberté d’autrui, de même il faut que la loi interdise tout usage du droit de propriété qui porterait atteinte à la vie ou à la dignité d’êtres humains. Robespierre a touché à l’Arche, l’arche sainte, cette Propriété devenue sacrée depuis le 26 août 1789. Il a commis le crime que la Convention ne peut tolérer ; elle décidera donc, contre lui, que l’article concernant la propriété sera rédigé – voté – comme suit : « Le droit de propriété est celui de jouir et de disposer à son gré de ses biens ». A la bonne heure. »
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En 2024, les choses ont-elles fondamentalement changé ? Un tour d’horizon sur la situation d’aujourd’hui donne immédiatement la réponse. C’est pourquoi, à la suite d’Henri Guillemin, il est naturel de se demander quels sont les nouveaux visages de ces gens de biens. On sait qu’ils participent d’un système transnational, financier, ultra minoritaire et pour autant déterminant. Mais qui sont-ils, où sont-ils en réalité. Quelle est l’histoire de leur domination, comment opèrent-ils ? De même, il est pareillement légitime de connaître les nouveaux mécanismes d’asservissement subis par les gens de rien ou de peu. L’appauvrissement n’opère pas seulement sur le plan salarial. Il travaille aussi en profondeur les domaines intellectuels, culturels, éducatifs, professionnels, sociaux, politiques, et touche aussi bien la santé, la représentation démocratique que les medias. Quelle est la réalité de cette inégalité généralisée ? Comment fonctionne le Silence aux pauvres en 2024 ?
Ces questions forment le thème central de notre prochain colloque prévu à l’automne 2025. Il s’agit d’un important sujet de pleine actualité, dont les domaines d’investigation sont très vastes, riches et nombreux. Nous y travaillons d’arrache-neurones et ne manquerons pas de vous informer de l’avancée de nos travaux.
Complément n° 1
Au delà du 14 juillet, parler de la Révolution, impose de rappeler deux autres ouvrages importants d’Henri Guillemin.
Le premier, incontournable, s’intitule 1789-1792 / 1792-1794 : Les deux Révolutions françaises. Indispensable complément à Silence aux pauvres, il s’agit des textes d’une série de conférences données à la Radiotélévision belge en 1967. Pour Henri Guillemin, en 1789, on assiste à une révolution des gens de bien, qui doit permettre à la bourgeoisie d’affaires d’accéder au pouvoir, quitte à le partager avec l’aristocratie dans le respect d’un certain ordre social. La vraie Révolution, populaire, qui se préoccupe réellement des classes pauvres, du Quart Etat, restait à venir. Elle aura vécu de 1792 à 1794 et sera liquidée avec la mort de Robespierre. C’est donc de ces deux Révolutions françaises que traite ici Henri Guillemin, en bousculant singulièrement les idées reçues.Pour en savoir plus, cliquez ici.
Le deuxième, tout aussi essentiel est Robespierre politique et mystique. Pour en savoir plus, cliquez ici
En continuant avec Robespierre, le premier et le plus jeune Homme d’État que la France ait connu, le troisième ouvrage que nous proposons est Robespierre et la république sociale d’Albert Matthiez. Il s’agit d’un recueil présenté par Yannick Bosc et Florence Gauthier, historiens, spécialistes de la Révolution française.
Couverture. 400 pages, janvier 2024 ; 28 €
Albert Mathiez demeure un des plus grands historiens de la Révolution française. Son œuvre, fondée sur une vaste connaissance des archives et une grande perspicacité d’analyse a profondément renouvelé la compréhension de la Révolution. De par ces qualités, ses écrits ont traversé les décennies et demeurent des lectures importantes pour comprendre cette période de bouleversements majeurs.
Dans ce livre, les historiens Florence Gauthier et Yannick Bosc ont réuni et présentent les textes de Mathiez sur Robespierre. Alliant une passion communicative pour l’histoire à une méthode rigoureuse, ces textes forment une biographie politique de Robespierre qui nous plonge, au fil des événements, au cœur de l’action et des réflexions de l’Incorruptible.
Détricotant les légendes noires, Mathiez s’attache à l’étude des sources et met en lumière la proximité de Robespierre avec le mouvement des Sans-culottes, moteur de la Révolution. Porteurs d’une véritable politique sociale, privilégiant le pouvoir législatif contre l’exécutif, le droit à l’existence contre la propriété privée, Robespierre et ses amis de la Montagne ne concevaient la république que démocratique et sociale.
Et terminons par le rappel de notre colloque Colloque Henri Guillemin et la Révolution française, le moment Robespierre le 26 octobre 2013 dont les vidéos des interventions (dont celles de Florence Gauthier et Yannick Bosc) sont toujours disponibles sur notre site (en cliquant ici) et dont les actes sont toujours en vente (cliquez là)
Complément n° 2
Parmi les nombreux acteurs de la pensée critique et les multiples vecteurs d’informations alternatives, hors du courant mainstream, Olivier Berruyer est une personne connue pour l’exemplarité du site d’information géopolitique Les crises, qu’il a créé en 2011. De formation en économie financière, il est aussi et surtout un très grand admirateur d’Henri Guillemin.
Le 4 mai 2012, pour célébrer les 30 ans de la disparition d’Henri Guillemin, Olivier Berruyer lui rendait hommage en mettant en ligne les 15 conférences vidéo sur la Révolution française.
Une heureuse initiative quand on sait que ces vidéos ne sont pas facilement disponibles sur le Net, du moins dans l’ordre chronologique de leur parution et de bonne qualité technique.
Pour les écouter et regarder Guillemin, cliquez ici.
Le refus de se laisser monter sur la cervelle
Expression d’Henri Guillemin, titre d’un article publié dans La Tribune de Genève le 16 octobre 1968. Article repris dans le recueil : De l’Histoire et de la Littérature – sélection d’articles 1964-1974 Edité chez Utovie(pour en savoir plus, cliquez ici)
Ce 14 juillet correspond aussi aussi pour nous à une suspension temporaire de nos travaux pour raisons estivales. Qui dit vacances, dit plus grande disponibilité, nouvelles curiosités, état d’esprit différent. Comme l’année dernière, cette rubrique propose un choix d’ouvrages qui nous ont semblé utiles, enrichissants, ou encore dépaysants ; en tous cas, éligibles au bonheur de lecture.
Il fallait bien choisir, trier, prioriser, alors voici notre sélection.
Il est très rare de réussir à traiter un sujet politique, voire géopolitique en littérature, celle de haute qualité romanesque, ouvrant plein large sur l’imaginaire, tout en exploitant les trésors du vocabulaire et de la syntaxe. C’est la réussite de l’écrivain autrichien Robert Ménasse avec deux ouvrages formant les deux premiers volets d’un prochain triptyque.
Couverture. Editions Verdier. 448 pages. 28 €. Existe en format poche même éditeur
DansLa capitale, le lecteur est entraîné au coeur de la commission de Bruxelles, dépeinte de façon hallucinante, satirique, politique, à travers plusieurs destinées et différents complots et intrigues qui vont se croiser, se heurter et dévoiler les coulisses de cette bureaucratie kafkaïenne.
Couverture. Editions Verdier. 608 pages. 26, 50 €
Dans L’élargissement, sur le même ton sarcastique et d’humour noir, on est embarqué dans une épopée burlesque, façon parfois grand guignol, une traversée d’intrigues en tout genre : l’entrée de l’Albanie dans l’UE. Le talent de Ménasse est d’arriver à nous convaincre que ce qu’il décrit a toutes les chances d’être vrai et de se réaliser. Impossible de poser le bouquin.
Emmanuel Todd est connu. Ses ouvrages également. Mais avec son dernier opus, La défaite de l’Occident, il pulvérise avec une certaine jubilation (on sent à la lecture que c’est lui qui a écrit et non un stagiaire, et on ressent très bien son plaisir), tout le fatras des idées reçues et autres contrevérités, voire absurdités, actuellement diffusées au sujet de la Russie, de l’Europe, des Etats-Unis et du conflit en Ukraine. A sa façon, en démographe, il tord aussi fortement le cou aux récits d’enfumage que Guillemin l’a fait en Histoire littéraire et politique.
Couverture. Editions Gallimard. 384 pages. 23 €
Parce que La Commune fait partie de nos travaux, parce que Guillemin l’a admirablement traitée dans sa série de conférences vidéo, parce qu’on pense à l’ami qui a travaillé cette période historique avec une passion « guilleminienne » durant toute sa vie, parce qu’on a aimé, on propose :
Souvenirs d’une morte vivante: Une femme dans la commune de 1871de Victorine Brocher.
Couverture. Editions Libertalia. 350 pages. 10 €
Publié en 1909, ce texte de Victorine Brocher (1839-1921) est l’un des rares et forts témoignages de femme du peuple, issue d’une famille militante, ayant traversé les insurrections de 1848 et de 1871. Ambulancière pendant la Commune, elle relate en une langue simple des événements vécus dans sa chair : le Second Empire, le siège de Paris, les privations, la mort de ses enfants, les espoirs nés avec la République sociale, la Semaine sanglante, l’exil et la survie enfin.
C’est exactement le genre d’ouvrage qui émeut, secoue et laisse intranquille car on sait que cette vie est actuellement vécue par des millions de personnes.
Et si nous passions à la fiction.
Couverture. Editions Gallmeister. 248 pages. 6 €
Les éditions Gallmeister ont eu la géniale idée de rééditer Nuit mèrede l’écrivain américain Kurt Vonnegut. Méconnu en Europe, et tout particulièrement en France, Kurt Vonnegut est un auteur inclassable, iconoclaste, à l’humour noir ravageur. D’une très grande richesse romanesque, ses romans dressent un portrait sans concession de l’Amérique. On pourrait dire que sa vie est un roman. En tout cas, la seconde guerre mondiale l’aura marqué à jamais et déterminé son style inclassable. Le 14 décembre 1944, durant la bataille des Ardennes, il se perd derrière les lignes allemandes et est fait prisonnier. En février 1945, il travaille à Dresde comme prisonnier quand, du 13 au 15 février, la ville est sauvagement bombardée au phosphore par les Anglais (10 000 tonnes de bombes), créant une fournaise plus forte que celle d’Hiroshima. Enfoui dans un abattoir, il en réchappe avec six autres prisonniers. Cette tranche de vie sera le sujet de son célèbre roman Abattoir 5 ou la Croisade des enfants.
« Je suis américain de naissance, nazi de réputation et apatride par inclination. » Ainsi commence Nuit mère, histoire d’un américain travaillant en Allemagne sous le 3eme Reich à la radio pour la propagande et qui attend d’être jugé pour crimes de guerre dans une cellule de Jérusalem. Il clame son innocence car il était en fait un agent infiltré chez les nazis au service des Alliés. Et personne ne le croit. Histoire caustique, pleine de vérités tragiques sur la guerre, balancées avec un humour noir corrosif.
La cloche de détresse de Sylvia Plath
Couverture. Editions Denoel. 320 pages. 19,90 €
Un des rares romans de la célèbre poétesse américaine. D’inspiration fortement autobiographique, l’histoire raconte l’errance d’une jeune de fille Esther Greenwood, dix-neuf ans, dans le New York des années 50. En réalité, il s’agit de la première dépression de Sylvia Plath qui raconte avec une extrême sensibilitésa vie, son enfance, son adolescence d’étudiante américaine, ses amours et ses déceptions.C’est aussi une peinture de l’Amérique sous Eisenhower, coincée et puritaine, montrant de façon à la fois douce et imparable, la position sociale de la femme dans le système patriarcal de l’époque.
Hollywood, années rougesde Maurice Nikos
Couverture. Editions du Canoë. 288 pages. 22 €
Un thriller ? Non. Un polar ? Peut-être. Disons un roman policier politique et historique.
Harvey est scénariste, en partance pour Hollywood. Seul hic : il est communiste. Et en 1951, la chasse aux sorcières bat son plein. Le héros s’en aperçoit vite, lui qui retrouve à Los Angeles son frère, scénariste à succès qui se sent épié. Devenu détective amateur, il est mêlé à une intrigue où gravitent un psy affilié au FBI, des militants délateurs… et Sue dont il s’entichera au cours d’une éducation sentimentale et politique. La façon dont l’auteur nous entraîne dans les USA des années 50 tient du tour de force, à travers une galerie de personnages hauts en couleur et par un style aussi comique que trépidant.
On peut constater, avec Sylvia Plath, et Kurt Vonnegut que décidemment, l’Amérique d’après-guerre était très étrangère à la représentation idyllique que s’en sont fait les Européens jusqu’à aujourd’hui.
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Nos travaux s’arrêtent aujourd’hui pour reprendre en septembre. Nous parlerons alors du prochain colloque et des autres sujets que Les Amis d’Henri Guillemin ont a coeur d’évoquer.
D’ici-là, nous vous souhaitons les vacances les plus agréables possibles et de très bons moments de lecture.
A bientôt.
L’équipe de LAHG
Révolution ou autoportrait en combattante palestinienne – 2019 – Tableau de Malak Mattar, peintre palestinienne née le 17 décembre 1999 à Gaza.
L’acteur Martin Wuttke dans le rôle d’Arturo Ui, en train de figurer une svastika (croix gammée). Une scène emblématique de la pièce de théâtre La résistible ascension d’Arturio Ui de Bertold Brecht (1941), Cette photo est tirée de la mise en scène par Heiner Müller en 1999 au Berlin au Berliner Ensemble, à l’issue de laquelle Müller expliqua son choix esthétique empruntant au théâtre et à l’image cinématographique, par le fait qu’au delà du pitre démagogue, il fallait toujours voir la violence de la vérité cachée. Dans l’épilogue de sa pièce, Brecht tire cette leçon : « Vous, apprenez à voir, plutôt que de rester les yeux ronds… Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde ». Photo de Barbara Braun
La lettre d’Utovie du 22 juin 2024
La dernière newsletter des éditions Utovie affiche cette mention : avec Henri Guillemin : démystifier et combattre l’extrême-droite. Pour un nouveau front populaire.
C’est un message très opportun car, en effet, dans le contexte politique qui nous a subitement été imposé une mauvaise surprise peut survenir.
Il est donc judicieux de rappeler les travaux d’Henri Guillemin sur ce sujet, en mettant en avant, entre autres, sa conférence sur le fascisme en France que met en avant Utovie.
« Il est incontestable qu’il y a en France (et ailleurs) une résurgence du fascisme…» Henri Guillemin.
Dans cette conférence diffusée en 1987, Henri Guillemin étudie le climat politique et social en France depuis 1875 qui créera le terrain favorable à l’introduction et à la montée du fascisme jusqu’à sa forme gouvernementale (l’Etat français de Pétain) et aux tentatives putschistes de la guerre d’Algérie.
Les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets et on ignore trop à quel point les intérêts économiques d’une minorité sont pour cette dernière plus importants que la démocratie.
La « bête » n’est pas morte. Il convient de rester vigilant. Cette leçon d’histoire, salubre, entretient notre vigilance.
Henri Guillemin raconte Le fascisme en France. Conférence audio. CD + transcription livre. 1 CD (60 mn) + livre 56 p. 15 €
Pour écouter trois extraits de cette conférence, cliquez ici
Pour en savoir plus sur le catalogue Utovie en général et sur le corpus des travaux d’Henri Guillemin en particulier, cliquez là
A cette occasion, nous rappelons que Utovie, pour fêter le renouvellement de son site internet, propose une réduction de 50 % sur tout le site, offre exceptionnelle jusqu’au 31 juillet 2024. Alors, profitez–en.
Henri Guillemin et l’affaire Pétain
Coffret DVD/livre
Notre dernière offre commerciale lancée le 1er janvier dernier a connu un appréciable succès. Il nous reste seulement qu’une petite dizaine de coffrets en stock. Notez que cet ouvrage est déjà ce qu’on appelle un collector, une oeuvre qui ne sera plus éditée et donc introuvable sauf auprès de certaines personnes qui souhaiteraient revendre le coffret en leur possession (mais pourquoi diable feraient-elles cela ?)
Nous renouvelons cette offre pour la dernière fois :
Coffret DVD/Livre au prix exceptionnel de 25 € au lieu de 35 € (frais de port offerts). Offre valable jusqu’au 30 septembre 2024
Synopsis:
En mai 1981, Henri Guillemin inaugure une nouvelle série de 12 leçons d’Histoire à travers l’émission Henri Guillemin vous parle diffusée sur l’antenne de la Radio Télévision Suisse (RTS). Il explore toujours son thème de prédilection, celui de la trahison des élites, des gens de biens qui n’ont de cesse d’exploiter et de duper les gens du peuple, les gens de rien ou de peu.
Soit 12 conférences vidéos, au total 6 heures de connaissances utiles en 3 DVD :
DVD 1: Travail
1. La montée du fascisme : L’extrême droite est de plus en plus influente dans les années 1930 (diffusion : 3 mai 1981)
2. Pétain avant 1934 : C’est à Verdun que se crée la « légende » de Pétain (diffusion : 10 mai 1981)
3. Le politicien : de la politique de 1934 à la victoire du Front populaire (diffusion : 17 mai 1981)
4. La défense nationale : Pétain envisage une Révolution nationale dès la fin des années 30 (diffusion : 24 mai 1981)
DVD 2 : Famille
5. Un étrange Maréchal : pour l’éloigner de Paris, Pétain est nommé ambassadeur à Madrid (diffusion : 31 mai 1981)
6. Le but est atteint : L’armistice signé, les pleins pouvoirs sont accordés à Pétain (diffusion : 7 juin 1981)
7. L’an 1940 : début de la politique de collaboration voulue par Pétain (diffusion : 21 mai 1982)
8. Avec Darlan : entre 1941 et 1942, la Révolution nationale prend une nouvelle envergure
DVD 3 : Patrie
9. Laval réapparaît : la « zone libre » est occupée et Pétain s’accroche au pouvoir (diffusion : 28 mai 1982)
10. L’asservissement : la Résistance s’organise et Pétain crée la Milice pour la combattre (diffusion : 30 mai 1982)
11. La fin : en 1944, c’est le début de la fin pour Pétain et le régime de Vichy (diffusion : 4 juin 1982)
12. Constats : conclusion et bilan sur le régime de Vichy et le maréchal Pétain (diffusion : 6 juin 1982)
Les bonus:
1/ Compléments critiques et historiques par l’historienne Annie Lacroix-Riz, spécialiste de cette période historique.
Dans cette série, produite par la société Les Films de l’An II, Annie Lacroix-Riz, Professeure émérite d’histoire contemporaine Université Paris7- Denis Diderot, revient sur chacune des 12 conférences d’Henri Guillemin, pour les enrichir, les compléter, parfois les modifier, confirmant ainsi la puissance d’analyse critique d’Henri Guillemin dans le champ de l’Histoire politique.
2/ Livre : La vérité sur l’affaire Pétainde Henri Guillemin
Edition revue et remaquettée (248 pages) avec une préface inédite d’Annie-Lacroix Riz.
Avec Jacques ISORNI, avocat du Maréchal Pétain – Henri GUILLEMIN, historien – Jean-Noël JEANNENEY, homme politique – Henri AMOUROUX, écrivain et Jean-Raymond TOURNOUX, journaliste.
Dans le droit fil de ses analyses critiques et historiques constituant le principal bonus du coffre DVD, nous recommandons les ouvrages de l’historienne Annie Lacroix–Riz, spécialiste du sujet. Les lire c’est aller à l’essentiel, jusqu’au bout du chemin. Ce sont les ouvrages les plus aboutis, les plus complets et surtout portant une lumière de vérité historique implacable, basée sur d’irréfutables sources archivistiques.
Il s’avère que l’actualité éditoriale de ses travaux est très riche actuellement. Les éditions Armand Colin ont décidé d’effectuer trois nouvelles rééditions en format poche de trois ouvrages précédents, au vue de leur notoriété croissante.
Couverture de l’édition poche ; 792 pages ; 12,90 € Maurice Papon, ancien fonctionnaire de Vichy, faisant un baisemain à Simone Veil, rescapée des camps. Photo prise le 5 avril 1978 devant le palais de l’Elysée, au sortir d’un conseil des ministres, alors qu’il est ministre du budget et elle ministre de la santé. Copyright Patrice Picot/Gamma-Rapho/Getty images
Synopsis :
Dès 1943 et jusque dans les années 1950, les élites impliquées dans la Collaboration ont cherché à se « recycler ». Y a-t-il vraiment eu, en France, une politique d’épuration? L’auteur explore cette question tout au long de son ouvrage dans lequel elle démontre que l’épuration criminalisée ayant suivi la Libération (femmes tondues, cours martiales, exécutions) a cherché à camoufler la non-épuration des élites, aussi bien de la part des ministères de l’Intérieur et de la Justice que de celle des milieux financiers, de la magistrature, des journalistes, des hommes politiques, et de l’Église. De nombreux anciens collaborateurs ont ainsi bénéficié de « grands protecteurs ». Le poids des Etats-Unis a également participé de cette non-épuration. Cet ouvrage prend le contrepied des ouvrages d’histoire de l’épuration parus ces vingt dernières années.
Se fondant sur les archives, Annie Lacroix-Riz démontre que la criminalisation de l’épuration pour collaboration a surtout couvert la non-épuration des élites.
Couverture de l’édition poche. 1224 pages ; 13,90 € Le ministre allemand des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, et d’autres responsables nazis font le salut nazi sur la tombe du Soldat inconnu à Paris, en France, en décembre 1938. Le ministre français des Affaires étrangères, Georges Bonnet, fait le salut traditionnel derrière Ribbentrop. Ribbentrop était à Paris pour signer un pacte de non-guerre entre la France et l’Allemagne. | (Photo par Hulton-Deutsch/Hulton-Deutsch Collection/Corbis via Getty Images)
Synopsis :
Quelles sont les causes de la Défaite de 1940 ? Le grand historien Marc Bloch écrivait en avril 1944 : « Le jour viendra […] et peut-être bientôt où il sera possible de faire la lumière sur les intrigues menées chez nous de 1933 à 1939 en faveur de l’Axe Rome-Berlin pour lui livrer la domination de l’Europe en détruisant de nos propres mains tout l’édifice de nos alliances et de nos amitiés. »
Annie Lacroix-Riz analyse l’histoire des années 1930 pour éclairer les causes de la défaite de 1940. Selon elle, les Français n’ont pas été simplement vaincus en cinq jours par une Wehrmacht invincible ; le haut patronat les a sacrifiés à son plan de « réforme de l’État » copié sur les voisins fascistes et à son obsession d’accord avec le Reich. Cette affirmation incroyable paraît moins audacieuse à la lecture des archives, françaises et étrangères, relatives à une décennie d’actions des élites : militaires ; politiciens ; journalistes ; hommes d’affaires surtout, qui régnaient sur tous les autres, avec à leur tête la Banque de France et le Comité des Forges.
L’autonomie des politiciens ou des journalistes relève ainsi du mythe, celle des militaires aussi. C’est bien la France des grands intérêts économiques et financiers qui dicta le choix de l’Allemagne comme partenaire privilégié dès les années 1920 et sabota l’alliance russe de revers qui avait évité la défaite en 1914. Aujourd’hui, l’accès aux archives éclaire les causes intérieures et extérieures de la Défaite et permet « l’instruction du procès de la vaste entreprise de trahison » que réclamait Marc Bloch.
La présente édition format poche de l’ouvrage a été systématiquement revue et complétée à la lumière des nombreux fonds d’archives, ouvrages et articles consultés depuis 2006.
Couverture de l’édition grand format ; en réimpression pour un format poche. Sortie prévue : janvier 2025. Cette nouvelle édition sera le fruit, comme les précédentes, d’une révision complète et augmentée.
Ceci est notre scoop : Armand Colin a décidé une troisième réédition en format poche prévue pour janvier 2025, celle de cet ouvrage sur la collusion des élites.
Synopsis :
Cet ouvrage porte sur l’un des aspects les moins explorés de l’Occupation : la collaboration de l’économie française, et notamment des grandes entreprises, à l’effort de guerre allemand. La liste des industriels nommés, ou plutôt cernés, est impressionnante. Les témoignages de leur collaboration anticipée ne le sont pas moins.
En été 1940, les banquiers et industriels français participent avec conviction à la liquidation des institutions républicaines. Ils s’installent dans la collaboration comme poussés par une sorte de loi naturelle. D’abord, dans les années 30, la minorité d’opérateurs économiques qui contrôle la France nourrit une admiration solide pour les prouesses techniques du Reich. Vichy n’a pas eu besoin de pousser les capitalistes à la collaboration : des cartels « européens » (dominés par les entreprises nazies), des sociétés mixtes franco-allemandes poussent comme des champignons. Les livraisons industrielles françaises au Reich et à sa machine de génocide, les crédits astronomiques, tout se met en place avec une rapidité et une bonne volonté impressionnantes… Un chapitre particulièrement révoltant du livre est consacré à l’aryanisation des fortunes mobilières, immobilières, industries et participations bancaires appartenant à des Français de confession israélite, mués en quelques heures et brutalement en parias. Un ouvrage fascinant des mœurs, mensonges et pratiques inavoués du grand patronat traumatisé par le Front populaire.
Bonne lecture.
Tableau de Mark Rothko peintre américain (1903 – 1970) : Le Noir contre le Rouge – 1962 – Samsung Museum of Art.