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Colloque 2025 – Interview exclusive de Monique Pinçon-Charlot

Photo de Monique Pinçon-Charlot prise lors de la manifestation du 1er mai 2025 par son fils Clément Pinçon, photographe professionnel. Atelier WIP — clement@wip-design.fr 06 15 42 28 39

Après la présentation introductive visant à replacer les travaux d’Henri Guillemin sur les rapports entre dominants et dominés dans leur perspective historique afin de bien expliciter sa vision des « Gens de biens/Gens de rien », le colloque se déroulera de manière à faire le point sur la réalité, aujourd’hui, des Gens de Biens et des Gens de Rien.

La matinée, ouverte par l’exposé de Michel Cabannes dont le titre explicite L’inspiration ultra-libérale des politiques économiques : origines, applications, implications, pose le cadre général de la situation contemporaine (interview diffusée le 19 mai dernier), aura été consacrée aux Gens de rien ou de peu, ceux qui créent la valeur réelle des choses, les travailleurs, le salariat, les conditions de travail, le travail en général.

Rappelons que trois interventions auront porté sur ce sujet.
Lire ou relire les interviews de Luc Sigalo Santos (diffusée le 9 juin dernier) ; celle de Danièle Linhart (diffusée le 11 juillet dernier) et celle de Nicolas Roux (diffusée le 9 septembre).

Après cette matinée, l’après-midi sera le moment pour étudier les Gens de biens, aujourd’hui dénommés classe des riches, des hyper riches.
Une classe sociale très minoritaire, devenue transnationale, qui possède et contrôle l’activité financière, économique, politique et médiatique et détermine ainsi la vie et le destin de la très grande majorité. 

Quatre interventions couvriront ce domaine.
Monique Pinçon-Charlot est pionnière dans l’étude de cette classe sociale particulière. Ses travaux sont aujourd’hui unanimement reconnus. Son exposé Le séparatisme des riches et la violence de classe, donnera le ton en rappelant cette fameuse déclaration de Warren Buffet, milliardaire américain, sur CNN en 2005 : « C’est une guerre de classe, mais c’est nous les riches qui la menons et qui sommes en train de la gagner. »

Parmi les ouvrages de Monique Pinçon-Charlot, citons :

Dans les beaux quartiers, Paris : Éditions du Seuil, coll. « L’Épreuve des faits », 1989 (ISBN 978-2020109369). Réédition en poche le 7 novembre 2025 avec une préface d’Eric Vuillard.

Grandes Fortunes. Dynasties familiales et formes de richesse en France, Paris : Payot, coll. « Documents Payot », 1996 (ISBN 978-2228889858). Réédition augmentée coll. « Petite bibliothèque Payot », 2006 (ISBN 978-2228901338).

Voyage en grande bourgeoisie, Paris : Presses universitaires de France, coll. « Sciences sociales et sociétés », 1997. Réédition coll. « Quadrige » no 380, 2002 (ISBN 978-2130531258). Réédition actualisée 2005 (ISBN 978-2130554202).

Nouveaux patrons, nouvelles dynasties, Paris : Calmann-Lévy, 1999 (ISBN 978-2702130391).

Sociologie de la bourgeoisie, Paris : La Découverte, coll. « Repères » no 294, 2000 (ISBN 978-2707129512). Rééditions actualisées en 2003 (ISBN 978-2707139467), 2007 et 2016 (ISBN 978-2707146823).

Les Ghettos du gotha. Comment la bourgeoisie défend ses espaces, Paris : Seuil, 2007 (ISBN 978-2020889209). Réédition Paris : Points, 2010 (ISBN 978-2228909136).

L’Argent sans foi ni loi, Paris : Éditions Textuel, 2012 (ISBN 978-2845974449).

La violence des riches – Chronique d’une immense casse sociale, Paris : Zones, 2013 (ISBN 978-2355220524).

Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ?, illustré par Etienne Lécroart, Montreuil : La Ville Brûle, 2014 (ISBN 978-2360120475). Réédition 2018 (ISBN 978-2360121014).

Le Président des ultra-riches : Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron, Paris, La Découverte/Zones, janvier 2019, 176 p. (ISBN 978-2-35522-128-6)

Notre vie chez les riches : Mémoires d’un couple de sociologues, Paris, La Découverte/Zones, août 2021, 192 p. (ISBN 9782355221279).

Entre-soi. Le séparatisme des riches, avec Gwenn Dubourthoumieu (photographe), Pyramyd, 2024 (EAN 9782350175980)

Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique , Textuel, coll. « Idées-Débats », 2025 (EAN 9782386290626)

Comme nous l’avons fait pour nos précédents colloques, afin de permettre à nos adhérents et abonnés de mieux vous connaître, cette première question : pouvez-vous vous présenter ?

Je suis sociologue, ancienne directrice de recherche au CNRS. Née en 1946, j’ai passé les 17 premières années de ma vie à Mende en Lozère, au milieu de la nature, des animaux, des forêts, des lacs et des causses de toute beauté. Mon père est alors procureur de la République et ma mère, femme au foyer avec 4 enfants aux naissances rapprochées. Mais en 1963, nous déménageons à Lille, où je prépare le baccalauréat philosophie puis une licence de sociologie.

Avec Michel Pinçon, vous avez été pionniers dans l’étude sociologique des classes dominantes et êtes devenus des spécialistes de cette classe minoritaire et déterminante qu’on appelle les riches, voire les hyper- riches. Comment cela s’est-il passé ? Quels obstacles avez-vous rencontrés ? Provenaient-ils des milieux que vous avez étudiés, ou du monde institutionnel et académique, ou encore d’ailleurs ?

Je rencontre Michel au début du mois de novembre 1965 à la faculté des Lettres et Sciences humaines de Lille. Le coup de foudre partagé et notre passion pour la sociologie vont être à l’origine des nombreux livres écrits à quatre mains.
Au début des années 1980, notre légitimité de chercheurs au CNRS étant acquise, nous décidons de travailler ensemble sur les dynasties familiales fortunées de la noblesse et de la grande bourgeoisie. Notre premier livre Dans les beaux quartiers paraît aux éditions du Seuil en 1989. La réception est très bonne dans la presse et chez les interviewés, mais réservée dans le monde académique.
C’est pourquoi, nous avons entamé un journal d’enquête qui sera publié aux PUF en 1997 sous le titre Voyage en grande bourgeoisie. Ce travail d’auto-analyse épistémologique repose sur un va-et-vient entre les résultats de nos recherches et les conditions pratiques de leur élaboration.

Dans les beaux quartiers va être réédité en semi-poche le 7 novembre 2025 avec une préface d’Eric Vuillard dans une co-édition, La Rue de l’Echiquier et Les Voix Urbaines.

Sans déflorer le contenu de votre exposé lors du colloque, pouvez-vous, en quelques mots, nous indiquer comment il sera structuré, quelles seront ses lignes de force ? En quelque sorte, donnez-nous l’envie d’en savoir plus en se rendant au colloque ! 

Autour du thème des ultra-riches et de leur violence de classe, mon intervention sera centrée sur leur responsabilité dans le chaos climatique. C’est à partir d’exemples précis, l’A69, la neutralité carbone ou le chlordécone, que je montrerai le rôle des capitalistes dans la catastrophe écologique qui fait déjà partie de notre quotidien. Leur système économique et politique basé sur l’exploitation de toutes les formes du vivant, humains et non humains, est ainsi à l’origine des canicules, des inondations, des incendies, de la montée des océans, de la fonte des glaciers et même de la décongélation du pergélisol.
Un fait social total qui mobilise une pensée mettant en relation toutes ces dérégulations, mais qui sont toujours présentées sur les ondes des millionnaires de façon séparée, corsetées et fragmentées afin de ne pouvoir en comprendre la cause.

Vous venez de publier Les riches contre la planète. Violence oligarchique et chaos climatique (éd. Textuel). Après vos travaux sur les riches, c’est votre premier ouvrage sur la question du dérèglement climatique et c’est aussi un nouveau champ d’étude que vous investiguez.
A quand remontent vos réflexions sur les liens de cause à effet entre chaos climatique et ce que vous nommez violence oligarchique ? Y-a-t-il eu, un jour, un facteur déclenchant particulier ?

Le premier ministre de la protection de la Nature et de l’Environnement, Robert Poujade, gaulliste nommé en 1971 par le président de la République, Georges Pompidou, avait déjà qualifié son poste de « ministère de l’impossible ». Deux catastrophes sont à l’origine de cette nomination : l’incendie d’une raffinerie de pétrole à Feyzin dans la vallée du Rhône le 4 janvier 1966 et la marée noire consécutive au naufrage, le 18 mars 1967, du pétrolier américain Torrey Canyon, voguant sous pavillon de complaisance libérien.
Et très vite après les évènements de Mai 1968, l’écologie s’est inscrite, en tant que telle, dans les institutions politiques et leurs concurrences électorales.

Nous avons perçu cette intrusion dans l’espace politique comme une division de plus, notamment à gauche, dont les dominants ne pouvaient que se réjouir. C’est en tout cas ce que nous avons compris plus tard au cours des nombreuses enquêtes menées dans les lieux de richesses et de pouvoirs.

La solitude imposée par la maladie de Michel puis le confinement lié à la pandémie du Covid-19 m’a alors incité à travailler sur la responsabilité des riches, qu’ils soient liés au monde politique ou aux industries polluantes, dans les bouleversements de la planète. Les sources de ce livre sont donc essentiellement des livres et des articles de presse, mais dont les informations ont été passées au crible de mes connaissances acquises avec Michel sur le fonctionnement de la classe dominante.

Dans votre dernier ouvrage, vous avez mis en épigraphe, cette belle citation de Victor Hugo tirée des Misérables : « Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête; voilà l’exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. »
Sachant que l’échelle de réflexion est planétaire, par rapport à la situation actuelle, quelles pourraient être les formes et les conditions d’un sursaut salvateur, d’un changement radical pour éviter le pire ?

Sachant que ce sont les 10% les plus riches qui participent à près de la moitié des émissions de gaz à effet (48%) sur la planète, et ce, grâce au système capitaliste, il suffit de penser qu’en supprimant les rémunérations et profits liés aux titres de propriété, on y verra déjà beaucoup plus clair. Ce ne sera évidemment pas une partie de chatouille. L’esclavage et le colonialisme ont bien été abolis et c’est aujourd’hui le tour du capitalisme. C’est indispensable pour l’avenir de l’habitabilité de la planète.
Ce n’est donc pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles, selon le philosophe Sénèque.

Enfin, cette dernière question : votre dernier ouvrage inaugure-t-il une nouvelle série de recherches ? Quels sont vos futurs travaux et projets ?

Je consacre dans ce dernier ouvrage quelques analyses à notre part de responsabilité, aussi bien individuelle que collective, avec le fait que les riches sont en train de gagner la guerre de classe, comme l’a déclaré sans filtre le milliardaire américain, Warren Buffett en 2005 sur CNN.

Nos divisions, nos concurrences, en phase parfaite avec l’idéologie dominante, devraient pouvoir être affrontées, déconstruites et reconstruites dans une perspective post-capitaliste qui serait en même temps recréation immédiate du sens de nos vies. Les tiers lieux et tous les espaces de vie partagés constituent déjà des formes de vivre ensemble aux marges du système capitaliste. Des instances de coordination sont indispensables pour créer une dynamique collective afin de freiner toute tentative de captation ou de détournement au profit d’intérêts particuliers. L’autogestion, la coopération, la psychothérapie institutionnelle devraient permettre d’évider de l’intérieur l’Etat, aujourd’hui au service des capitalistes, et de construire peu à peu un monde fait d’altérité, d’humanité et de partage.

Entrée principale de l’Ecole Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm Paris

Un programme enrichi et augmenté.

Comme indiqué dans notre précédente newsletter, le programme du colloque s’est enrichi avec la participation du philosophe Dany-Robert DUFOUR qui interviendra au début de l’après midi, consacrée au « gens de biens ».

Son intervention s’intitule American psycho now. Elle traitera d’une figure paradigmatique de l’outrance et de la décadence spirituelle du capitalisme ultra libéral qui s’inscrit aujourd’hui comme norme de vie.
Pour en savoir plus, cliquez ici

Assister au colloque

Comme vous le savez, les inscriptions sont ouvertes depuis le 31 août. Elles seront closes le 6 novembre.

Compte tenu à la fois du thème et des personnalités intervenantes, les inscriptions vont bon train depuis leur ouverture le 31/8 dernier. Et c’est tant mieux !

Comment s’inscrire au colloque : Une fois arrivé dans le programme, pour assister et s’inscrire au colloque, vous verrez le bouton « Réserver » ci dessous :

Cliquez dessus, puis sur le bouton « Billeterie » et ensuite, suivre les autres étapes jusqu’au règlement de votre inscription.

La date et le lieu

Le 8 novembre 2025 à l’Ecole Nationale Supérieure (ENS) – 45, rue d’Ulm 75005 Paris. Salle Dussane.

Début octobre, nous diffuserons l’interview de la philosophe Caëla Gillespie, dont l’exposé au colloque qui formera conclusion s’intitule Face à l’oppression que constitue la fabrication de l’apolitisme, un réveil est-il possible ?

Un jet privé familial