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L’écho permanent de nos colloques aujourd’hui

La réédition en format poche, donc visant un grand public, de l’ouvrage Industriels et banquiers français sous l’occupation de l’historienne Annie Lacroix-Riz, peut objectivement, surtout aujourd’hui, être considéré comme un événement éditorial.

Comme nous l’avons toujours fait pour les ouvrages des intervenants qui furent publiés à la suite de nos colloques, nous diffusons aujourd’hui l’information concernant la nouvelle parution d’un ouvrage qui s’inscrit en droite ligne dans le thème de notre colloque du 17 novembre 2018 sur le thème « Pétain, montée du fascisme, débâcle de 1940, collaboration« . (ex : « Veni, Vidi, Vichy…et la suite« . Pour en savoir plus, cliquez ici)

Couverture de l’édition poche. 1224 pages ; 13,90 €

En effet, il s’agit de la troisième réédition en format poche des œuvres maîtresses de l’historienne Annie Lacroix-Riz, commandée par son éditeur Armand Colin.

Commandée ? Un vocable particulier qui induit immédiatement chez l’historienne la nécessité, voire l’obligation épistémologique de dire une vérité renouvelée, cette vérité au plus près des faits, des preuves, des archives, nouvellement travaillés.
Et des nouvelles sources archivistiques, il y en eut !

C’est à travers cet impératif de vérité historique, visant à permettre l’émergence d’une conscience politique, que se développent les travaux d’Annie Lacroix-Riz qu’ont peut considérer comme la constitution d’une œuvre globale.

La non-épuration en France : De 1943 aux années 1950.

Couverture de l’édition poche ;
792 pages ; 12,90 €
Maurice Papon, ancien fonctionnaire de Vichy, faisant un baisemain à Simone Veil, rescapée des camps. Photo prise le 5 avril 1978 devant le palais de l’Elysée, au sortir d’un conseil des ministres, alors qu’il est ministre du budget et elle ministre de la santé. Copyright Patrice Picot/Gamma-Rapho/Getty images

Il s’agit d’un ouvrage qui prouve, sur la base d’archives incontestables, souvent inédites, que l’épuration salvatrice d’après guerre, construite et diffusée à grands moyens de propagande fut davantage un mythe qu’une réalité historique.

Grâce aux travaux d’Annie Lacroix-Riz, on apprend qu’en réalité, cette épuration, concentrée sur des cas particuliers massivement rendus publics, a surtout couvert la vraie réalité politique, celle de la non-épuration des élites.
Sous l’égide des ministères de l’Intérieur et de la Justice, les patriciens des milieux financiers, de la magistrature, de la police, de l’armée, du haut clergé, des organes de presse, de l’appareil politique, bref, de ce qu’on appelle « Le Système », furent non seulement épargnés, mais réintroduits dans toutes les instance de pouvoirs.

Le choix de la défaite

Couverture de l’édition poche. 1224 pages ; 13,90 € Le ministre allemand des Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, et d’autres responsables nazis font le salut nazi sur la tombe du Soldat inconnu à Paris, en France, en décembre 1938. Le ministre français des Affaires étrangères, Georges Bonnet, fait le salut traditionnel derrière Ribbentrop. Ribbentrop était à Paris pour signer un pacte de non-guerre entre la France et l’Allemagne. | (Photo par Hulton-Deutsch/Hulton-Deutsch Collection/Corbis via Getty Images)

Quelles sont les causes de la Défaite de 1940 ? Le grand historien Marc Bloch écrivait en avril 1944 : « Le jour viendra […] et peut-être bientôt où il sera possible de faire la lumière sur les intrigues menées chez nous de 1933 à 1939 en faveur de l’Axe Rome-Berlin pour lui livrer la domination de l’Europe en détruisant de nos propres mains tout l’édifice de nos alliances et de nos amitiés. »

Cet ouvrage d’Annie Lacroix-Riz est incontestablement un ouvrage clé. Un de ces ouvrages fondateurs pour l’édification des consciences, actuelles comme futures. On pourrait dire de cet ouvrage qu’Une bibliothèque pleurerait à jamais son absence (Cf. La bibliothèque, la nuit de Alberto Manguel).

Car, comme l’a si bien dit Mark Twain, grand écrivain américain si mal compris dans son pays d’origine, les « EtaZunis » : « L’histoire ne se répète pas, c’est vrai, mais parfois, il faut bien admettre qu’elle rime« .

Et Annie Lacroix-Riz prouve que l’Histoire contemporaine, innervée par les immuables rapports de forces capitalistiques ne peut produire que des situations semblables.

Le choix de la défaite analyse l’histoire des années 1930 pour éclairer les causes de la défaite de 1940. Selon elle, les Français n’ont pas été simplement vaincus en cinq jours par une Wehrmacht invincible ; le haut patronat les a sacrifiés à son plan de « réforme de l’État » copié sur les voisins fascistes et à son obsession d’accord avec le Reich.

Grâce à cet ouvrage, on apprend que déjà, à cette époque, l’autonomie des politiciens ou des journalistes relevait du mythe. Que dire d’aujourd’hui ! Car c’est bien la France des grands intérêts économiques et financiers qui dicta le choix de l’Allemagne comme partenaire privilégié dès les années 1920 et sabota l’alliance russe de revers qui avait évité la défaite en 1914.

Industriels et banquiers français sous l’occupation

Membres des chambres de commerce française et allemande à la foire de Paris en septembre 1941. © LAPI/Roger Viollet

Dans cet ouvrage, Annie Lacroix-Riz examine la collaboration entre les dirigeants de l’économie française et les occupants allemands entre 1940 et 1944 et installe au grand jour le fin mot de cette collaboration : hors de tout principe éthique, patriotique, citoyen, il s’agissait en priorité absolue de maintenir, voire de continuer à accroître, les profits capitalistes dans une Europe unifiée, même sous domination allemande.

Début septembre 1941, certains des industriels et banquiers les plus influents de la France occupée par l’Allemagne expriment leur position sur les plans du Reich nazi pour la réorganisation du continent européen. Lors d’une réunion avec un haut fonctionnaire allemand de l’économie à Paris, après quelques mots d’introduction de Pierre Pucheu, un homme d’affaires qui venait d’être nommé ministre de l’Intérieur du régime de Vichy, Henri Ardant prit la parole. Le chef de la puissante Société Générale déclara qu’ils soutenaient fermement les idées de l’Allemagne pour l’Europe, notamment celles, sous la direction de Berlin, de supprimer les « frontières douanières et créer une monnaie unique pour l’Europe.
Cette déclaration était remarquable, d’autant plus qu’Ardant était alors considéré comme « le premier et le plus important des banquiers français.

Ainsi va se dérouler le récit historique de l’historienne Annie Lacroix-Riz, prouvant, on ne peut peut plus clairement, l’intime compromission des hauts milieux affairistes français, industriels et financiers, avec leurs homologues allemands, qu’ils soient nazis, n’importait aucunement.

Pour comprendre la collaboration volontaire d’une grande partie des industriels et banquiers français avec les forces d’occupation allemandes entre 1940 et 1944, il est nécessaire de connaître leur histoire. Cette collaboration remonte aux années 1920 et 1930.

Comme l’explique en détail Annie Lacroix-Riz, « c‘était l’époque où les groupes français intensifiaient leurs accords et leur coopération avec les groupes allemands, acceptant souvent une direction allemande claire, parfois même abandonnant des marchés, comme Schneider-Creuzot lorsque, en 1938/39, Skoda, un joyau de l’empire industriel en Tchécoslovaquie, passa aux mains des Reichswerke Hermann Göring. À cela s’ajoutait le fait qu’une partie des industriels et des banquiers français, inspirés par leur opposition à la gauche dans leur propre pays, se tournaient vers l’Italie dès les années 1920, puis vers le Reich allemand à partir de 1933, à la recherche d’alternatives politiques.

L’historiographie sur l’attitude de la France face à l’occupation allemande affirme que le régime de Vichy a facilité l’acceptation du Reich mais que le monde économique, s’y est soumis à contrecœur. Comme le démontre de manière convaincante Annie Lacroix-Riz, cela est faux. Faisant référence aux voix influentes parmi les industriels et les banquiers français qui, avant 1940 déjà, réclamaient une collaboration étroite avec le Reich, elle constate laconiquement : « On ne résiste pas à l’occupant qu’on a appelé et installé. »

Pour aller plus loin dans cette histoire européenne contemporaine, il faut lire son dernier ouvrage « Les origines du plan Marshall » qui permet de comprendre comment les Etats-Unis ont imposé leur hégémonie à l’aide du plan Marshall – en s’appuyant avant tout sur l’Allemagne.

« Il est incontestable qu’il y a en France (et ailleurs) une résurgence du fascisme…», disait Henri Guillemin dans une conférence diffusée en 1987. Il étudiait le climat politique et social en France depuis 1875 qui créera le terrain favorable à l’introduction et à la montée du fascisme jusqu’à sa forme gouvernementale (l’Etat français de Pétain) et aux tentatives putschistes de la guerre d’Algérie.