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« Veni, Vidi Vichy… et la suite » enfin réédité.

Annie Lacroix-Riz à la librairie Tropiques le 15 janvier 2025 lors de sa conférence.

La réédition de cet ouvrage totalement oublié fait directement suite à notre colloque Guillemin, donné à l’Ecole Normale Supérieure le 17 novembre 2018 sur le thème « Pétain, montée du fascisme, débâcle de 1940, collaboration »

Et retenons l’exposé d’Annie Lacroix-Riz « Causes, conditions et objectifs du choix de la défaite de 40 ». (Pour en savoir plus et lire son intervention, cliquez ici).

Cette réédition est un événement et une source d’information exceptionnelle pour connaître l’histoire du fascisme en France et celle du régime de Vichy en particulier, sujet politique ouvert par Henri Guillemin à travers son ouvrage précurseur l’Affaire Pétain.

Aujourd’hui, sur base de recherches historiographiques nouvelles, l’historienne Annie Lacroix-Riz, spécialiste de cette période historique, complète l’ouvrage d’une très riche postface inédite de cent pages, agrémentée de photos rares et explicites.
Dans sa postface, comme dans sa conférence filmée mise en ligne ci-dessous, elle confirme l’importance de l’ouvrage et y apporte d’incontournables nouvelles informations : celles concernant les non-dits de Raymond Brugère dus à son appartenance de classe, et celles, d’une implacable vérité historique issue des archives, relatives à la collaboration financière, économique et politique de l’oligarchie française avec le Reich nazi.

Ainsi nous découvrons non seulement, de façon très détaillée, les rouages du régime de Vichy, la compromission des élites, mais aussi les rapports de force géopolitiques de la période.

« Il est incontestable qu’il y a en France (et ailleurs) une résurgence du fascisme…», disait Henri Guillemin dans une conférence diffusée en 1987. Il étudiait le climat politique et social en France depuis 1875 qui créera le terrain favorable à l’introduction et à la montée du fascisme jusqu’à sa forme gouvernementale (l’Etat français de Pétain) et aux tentatives putschistes de la guerre d’Algérie.
Et l’on peut dire également après, jusqu’à nos jours, chaque fois qu’une crise systémique menace les « gens de biens ».

La carrière diplomatique de Raymond Brugère débute en 1911 en tant qu’attaché d’ambassade au cabinet du ministre des Affaires étrangères. Il est nommé à Pékin l’année suivante. Mobilisé lors de la Première Guerre mondiale, blessé au combat, il est successivement nommé à Madrid en 1916, à Copenhague en 1918 et à Ankara en 1924. Concernant la politique française d’entre-deux guerre, il soutient celle de la fermeté menée par Raymond Poincaré.
En 1934 il est nommé ministre plénipotentiaire à Ottawa et en 1937, il est nommé à Belgrade pour maintenir l’alliance franco-yougoslave.

Lorsqu’il constate la cynique stratégie française de collaborer avec le Reich, il rend avec courage et fracas sa démission le 17 juin 1940.

Il écrit : “Ma résolution est prise, je refuse de servir un gouvernement, fut-il présidé par le vainqueur de Verdun, qui signerait la capitulation de la France”.

Une situation politique que confirmera plus tard Annie Lacroix Riz avec une implacable démonstration sur base d’incontestables sources archivistiques, dans son ouvrage Le choix de la défaite, au titre explicite.

Après ce coup d’éclat, Raymond Brugère entre en Résistance mais est arrêté en 1942 et interné jusqu’au 8 juin 1944. A son retour à Paris, de Gaulle le nomme secrétaire général du Quai d’Orsay. Puis de 1944 à 1947, il est ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en Belgique. A la fin de sa carrière il se consacre entièrement à la création du nouveau parti politique gaulliste Rassemblement du Peuple Français (RPF).

Le chapitre III porte sur l’installation brutale du nouvel « Etat français » voulu par Pétain. Brugère relativise la passivité de l’opinion française.
Si l’on peut ne pas partager son avis, on peut par contre méditer la finesse de son propos en le comparant à la lumière de la situation actuelle.

Le chapitre V porte sur les groupes de pression et en particulier sur la synarchie.
Qu’un haut fonctionnaire de ce niveau utilise ce terme montre que, loin d’être le mythe toujours véhiculé par l’historiographie académique, la synarchie existe bel et bien ; et aujourd’hui toujours, sous une forme différente, mondialisée ou transnationale.

Postface ; illustration page 247 ; photo prise par LAHG

Veni, Vidi Vichy parut d’abord début septembre 1944, chez un grand éditeur parisien, victime de l’aryanisation sous l’Occupation, Calmann-Lévy, mais dans un quasi-secret à « cinq cents exemplaires hors commerce » et ne fut donc que très faiblement diffusé.

Dans la minorité privilégiée des lecteurs de 1944 figurait – Brugère le signala dans son introduction de la deuxième l’édition – l’historien américain professeur à Harvard et, simultanément, espion de premier plan de l’Office of Strategic Services (OSS) puis de la Central Intelligence Agency (CIA), William Langer.

Langer, préposé, à ce titre, aux préparatifs du combat à mort des États-Unis contre l’URSS, était aussi, par fonction, on le verra, un observateur avisé de la France, pays constituant la base de départ obligée de la future invasion américaine du continent européen, et de ses classes dirigeantes. […]

Postface ; illustration page 255 ; photo prise par LAHG

L’édition du nouveau Veni, Vidi Vichy, publiée huit ans et demi après la première, était à nouveau destinée, de principe, à un public limité. Sa prise en charge par un obscur éditeur, DeuxRives, interdisait d’emblée une diffusion de masse. L’ouvrage, si on le rapporte aux faits établis par les archives originales entre les années 1930 et l’après-guerre, fournit pourtant un complément d’information ou une confirmation.

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Veni, Vidi Vichy, deuxième mouture, allait d’ailleurs beaucoup plus loin dans la critique qu’à l’orée de l’automne 1944. La répugnance du diplomate envers la tutelle des États-Unis, violemment anti gaullistes, était déjà marquée alors qu’il inaugurait ses fonctions de secrétaire général des Affaires étrangères. Elle fut exprimée plus nettement pendant la Guerre froide et en pleine bagarre sur la Communauté européenne de Défense – presque au terme des quatre ans de gestion des Affaires étrangères par le ministre le plus ouvertement soumis aux États-Unis depuis la Libération, le « Père de l’Europe » Robert Schuman.

C’est dire l’importance du témoignage de cet ambassadeur exceptionnel, seul démissionnaire du corps diplomatique de l’époque, et que de Gaulle nomma à son retour à Paris secrétaire général du Quai d’Orsay, c’est-à-dire second personnage officiel, derrière le ministre, du ministère des Affaires étrangères : c’était rendre hommage aux mérites patriotiques exceptionnels que s’était acquis, dès le 17 juin 1940, le secrétaire général-éclair quasi inconnu de tous.

Pour approfondir ce sujet, le mieux est de rappeler notre newsletter du 24 juin 2024 dans laquelle nous présentions nos conseils de lecture.

Nous mentionnions :
● La conférence audio Le fascisme en France par Henri Guillemin. Editions Utovie.
● Le coffret DVD/Livre L’affaire Pétain par H. Guillemin.
Le choix de la défaite de A. Lacroix-Riz. Edition Dunod poche.
Industriels et banquiers français sous l’occupation de A. Lacroix-Riz.
Précisons que cet ouvrage sortira en version poche en juin prochain.

Tout est détaillé dans cette newsletter. Pour la relire, cliquez ici

Nous reprenons ici la vidéo réalisée le 15 janvier 2025 par les équipes de la librairie Tropiques.