Pour un nouvel engagement chrétien
de Pierre-Louis Choquet, Jean-Victor Elie et Anne Guillard –
éditions de l’Atelier – 137 pages – 15 €
Lors des rencontres organisées à Bordeaux pour les 500 ans de la Réforme, le groupe girondin de christianisme social avait posé plusieurs questions, parmi lesquelles celle-ci qui leur paraissait essentielle : « Y a-t-il encore des chrétiens de gauche ? »
Il n’y a pas eu de réponses bien nombreuses à cette question.
Eh bien, quelques jours plus tard, nous en avons trouvé trois : Pierre-Louis Choquet, Jean-Victor Elie et Anne Guillard, trois jeunes catholiques qui viennent d’écrire Plaidoyer pour un nouvel engagement chrétien, pour les éditions de l’Atelier.
Un livre d’urgence, un livre d’appel, et qui redonne confiance quand le découragement peut guetter.
Ils partent du constat que ces dernières années ont vu les catholiques de droite et d’extrême-droite occuper la une de l’actualité et souvent même la rue (manif pour tous, son expression politique, le Sens commun, allié à Fillon..), alors que les cathos de gauche semblaient, à l’image de la gauche tout entière, en pleine déconfiture. Et ils posent un diagnostic qui a le mérite d’être à la fois politique et théologique. « Notre époque a du mal à accepter que la religion ne se contente plus de délivrer une certitude absolue ou un ensemble de valeurs qu’il suffirait de suivre, et que l’expérience religieuse porte bien plutôt en elle à la fois la marque d’une instabilité fondamentale [loin de tout dogmatisme sclérosant, de tout psittacisme catéchétique, de toute ignorance de l’histoire de l’Eglise, des Eglises, et de l’histoire tout court – Note de Patrick Rödel] …
…et celle d’une promesse de libération [cf Saint Paul, épître aux Galates, – Note de Patrick Rödel] (p.11).
Et ils en tirent les conséquences : « Nous refusons de faire de la religion chrétienne une posture identitaire, qui ignorerait le dynamisme et l’instabilité propres à la parole religieuse. »(id.) « Au contraire, nous attestons [le mot est fort qui renvoie à « témoin », à « témoignage », vocation première du chrétien – note de Patrick Rödel] d’un christianisme rendant raison du souci évangélique de compréhension du monde, et qui se met à l’écoute de la clameur des plus pauvres et de la détresse de la Terre. »(id.)
Le Pressoir (2 novembre 1789) – Gravure populaire sur la confiscation des biens du clergé (source introuvée)
Retour à l’Histoire et à l’événement de 1789, à plus d’un titre traumatisant et rejetant une bonne partie des catholiques du côté des tenants de l’ordre à restaurer (c’est la deuxième partie de ce plaidoyer). En dépit de quelques prophètes comme Lacordaire et Ozanam, il faudra attendre Léon XIII et l’encyclique Rerum novarum pour que la réconciliation de l’Eglise et de la République puisse être envisagée. Mais cela reste très timide et les résistances sont fortes; des retours en arrière suivent souvent des avancées qui semblaient prometteuses ; les critiques du modernisme sont des freins puissants à l’évolution de l’Eglise.
Nous en sommes encore là malgré l’événement du Concile.
Or,
« le témoignage que nous avons à porter, celui du Christ ressuscité, restera inaudible s’il ne se risque pas à la rencontre avec le langage que nous avons en partage avec les hommes et les femmes de notre temps, celui d’une culture dans laquelle, désormais, la référence à Dieu n’est plus primordiale. » (p.59)
[Je rappelle la belle idée de Paul VI sur la nécessaire conversation de l’Eglise avec le monde – note de Patrick Rödel].
La deuxième partie réfléchit, à partir, entre autres, des analyses de Joseph Moingt [né en 1915. C’est un prêtre jésuite français, théologien, spécialisé en christologie – note de l’éditeur], sur ce qu’est un christianisme de l’inachèvement. Et cette notion est indispensable si l’on veut échapper au ressassement des mêmes idées censées nous protéger du monde dans lequel nous vivons.
Cette nouvelle approche théologique est riche d’avenir, « une approche narrative et expérientielle s’avère plus féconde qu’une approche plus classiquement dogmatique pour rendre compte de l’expérience de la foi (…) Engagée dans un tel mouvement, la théologie ne cherche plus à dire la vérité une fois pour toutes ou à spéculer sur la nature éternelle de Dieu, mais ouvre la pensée à une plus grande intelligence spirituelle de l’Ecriture en cherchant sans cesse à relier le texte de la tradition à l’expérience contemporaine. »(p.89)
Cette mise en mouvement (on n’ose pas dire en marche…) est un appel à en engagement renouvelé pour chacun, pour chaque chrétien, au niveau qui est le sien, afin que prenne corps cette nouvelle utopie concrète – c’était le thème de réflexion que le groupe girondin du christianisme social avait retenu l’année dernière – du « libre développement de chacun sur une Terre habitable pour tous. »
Défi à la fois politique et écologique qui est l’objet de la troisième partie de ce livre, dans l’esprit de l’encyclique du Pape François Laudato si. Ouverture du champ des possibles devant la « désolation de la Terre dont nous sommes témoins et co-responsables », devant les conséquences mortelles de la marchandisation universelle et devant l’accroissement exponentiel des inégalités entre nantis et démunis, tant en France que dans le monde.
Telle est l’espérance de ces jeunes, telle est leur foi. Puissent-elles nous réveiller de nos engourdissements !
Note rédigée par Patrick Rödel
Tableau « Tango funèbre » 1994 – de Marc Leduc, artiste canadien (technique mixte sur bois 213 x 203 cm)
A noter dans vos agendas
Patrick Rödel tiendra prochainement deux conférences à propos d’Henri Guillemin.
La première, le 12 décembre à 18h30 à l’Université Populaire des Hauts de Garonne, Lormont, sur le thème : Henri Guillemin, historien de la littérature.
La seconde, le 19 décembre à 18h30 à l’Université populaire des Hauts de Garonne, Lormont sur le thème : Henri Guillemin et l’histoire politique française de 1789 à 1968