Ce n’est pas un journal, bien que Guillemin y utilise d’assez nombreuses notes personnelles prises au fil des années ; ce n’est pas une autobiographie, bien que ce gros volume publié en 1989 suive en partie l’ordre chronologique de la vie de l’auteur.
C’est plutôt, et l’on ne saurait trouver cela surprenant si l’on connaît un peu l’homme Guillemin, le bilan des rencontres qu’il a faites en plus d’un demi-siècle.
Aussi trouve-t-on ici la politique et l’histoire en direct, d’abord en 1939-1940, à Bordeaux, puis durant la période 1945-1963, où Guillemin fut attaché culturel de l’ambassade de France à Berne ; on rencontre aussi la religion ou, de façon plus large, la vie spirituelle, incarnées diversement par trois de ses grands aînés, Marc Sangnier (qui fut aussi son formateur politique), François Mauriac, Paul Claudel ; l’inattendu surgit aussi, ainsi dans ces pages émues sur Maurice Chevalier.
Et puis une foule de notations, de citations aimées, de souvenirs plus ponctuels mais parfois non moins intenses sur Sartre, Étiemble, Romain Gary, Simenon, Pierre-Henri Simon, ou sur le frère Roger Schütz, le prieur de Taizé.
Finalement ces pages que l’auteur définit comme « la déposition, émiettée, d’un témoin de notre temps » brossent aussi, malgré un apparent retrait personnel, l’autoportrait soigneusement établi d’un homme très conscient de l’image qu’il voulait laisser de lui-même.