Introduction
Catherine Seylaz, nom de plume, Catherine Dubuis, est une fidèle adhérente, résidant en Suisse, de qui j’ai reçu de nombreux messages que j’ai utilisés pour illustrer certaines newsletters. .
Suisse ? Eh oui, ce pays où séjourna pendant des décennies Henri Guillemin. Ce pays d’où nous arriva en 2017 le mémoire d’un jeune étudiant, Florian Papilloud ayant choisi Henri Guillemin pour son mémoire de Master d’Histoire sur le sujet : « Le croire sur parole ? – La popularité d’Henri Guillemin en Suisse romande et L’affaire Jésus (newsletter du 6 septembre 2017, cliquez ici). Ce pays, où Jonathan Samuel Wenger, un chercheur bibliographe, admirateur de Guillemin, nous a appris tout récemment, sa découverte d’un millier de nouvelles références d’émissions TV et autres articles venant compléter la déjà très riche bibliographie établie par Patrick Berthier (newsletter du 30 juin 2021, cliquez ici).
Et j’en arrive à Catherine Dubuis (Seylaz).
Fervente guilleminienne, Catherine me signala à plusieurs reprises l’existence de documents devenus rares (par exemple, l’émission TV où Guillemin présente sa revue de presse lors du centenaire de la Commune (newsletter du 16 avril 2021, cliquez ici).
Sa dernière missive fut celle-ci : « J’ai fait l’acquisition d’un très joli volume d’Henri Guillemin, intitulé Rappelle-toi, petit, publié en 1945 aux Portes de France, à Porrentruy, à l’époque où il était encore difficile aux écrivains français de publier en France, au sortir de la guerre. La Suisse romande avait pris le relais, notamment avec les éditions des Portes de France. Jolie édition imprimée en rouge et noir, avec couverture dessinée par Italo et Vincent de Grandi, peintres connus chez nous…… »
Tout ceci me donna l’idée de lui demander de rédiger un témoignage à propos d’Henri Guillemin, un texte à sa convenance, en vue d’une newsletter. Catherine accepta.
Son récit ci-dessous.
Note rédigée par Edouard Mangin
« Les larmes d’Henri Guillemin » de Catherine Dubuis
Au commencement, il y avait la radio. Ma sœur aînée possédait ce privilège inouï : un petit poste dans sa chambre, niché dans la table de nuit. Assise par terre, adossée au lit, je me laissais emporter par cette voix caractéristique, pressée, pressante, qui demandait avec passion qu’on l’entende. Bien plus tard, cette radio a fini en flammes, comme si la voix qu’elle avait abritée avait fini par l’embraser de sa ferveur.
Puis il y a eu la télévision, en noir et blanc, avec la même voix pressante, accompagnée d’un visage aux lunettes à large monture, d’un regard qui ne nous lâchait pas. Qu’avons-nous entendu ? Je ne m’en souviens pas. Seul me reste le son de la voix qui me clouait, fascinée, de la parole énergique qui ne tolérait aucune objection, aucune réticence, aucun doute.
Enfin, voici le souvenir d’un homme allant et venant sur la scène de l’Athénée; il parle de Claudel, et il pleure, tant l’évocation de ce grand poète l’émeut. La salle se tait, figée, la bonne société bourgeoise de Lausanne, embarrassée, ne sait trop comment recevoir ce témoignage à vif, ces propos enflammés auxquels elle n’est guère habituée.
Et je retrouve dans les archives de la Gazette de Lausanne le compte rendu de cette conférence à la date du 30 novembre 1955, « Claudel entre le monde et Dieu ». Le rapporteur parle bien de ferveur et de conviction, mais ne fait nulle allusion aux larmes qui m’ont tant frappée.
Quand, bien des années plus tard, j’ai adhéré à l’Association des Ami(e)s d’Henri Guillemin, revenant sur ce souvenir ancien, j’ai voulu en avoir le cœur net et je suis allée mettre le nez dans deux des publications que Guillemin a consacrées (parmi de nombreuses autres) à Paul Claudel.
Mais j’ai pris les choses à l’envers et ai commencé par Le « converti » Paul Claudel, paru chez Gallimard en 1968. A cette lecture, je n’ai pas compris comment notre conférencier avait pu être ému aux larmes par son propre propos. Le livre en effet n’est pas tendre pour son personnage principal, qui est désigné – et cela m’a frappée d’emblée – par ses initiales, façon désinvolte d’évoquer son sujet, réservée dans les biographies aux notes de bas de page.
Je passe sur la manière subtile (d’aucuns diraient perverse) de l’auteur de souffler le chaud et le froid, balançant son lecteur du meilleur au pire ; je ne résiste pas cependant à citer cette modulation toute en finesse entre deux argumentaires : « Reprenons notre étude, avec bonne volonté et bonne foi, et le moins possible d’inintelligence, en essayant de nous tenir à égale distance d’un excès de crédibilité et d’un excès de scepticisme. » (p.86)
N’ayant donc pas trouvé la source des larmes d’Henri Guillemin dans Le « converti » Paul Claudel, je me suis plongée dans Claudel et son art d’écrire, Gallimard, 1955. Je me rapprochais ainsi de la date de mon souvenir. Le livre est incontestablement plus flatteur pour son objet : sans hésitation possible, Claudel est un grand artiste de la langue. Les citations, innombrables, sont là pour le prouver. L’auteur est « envoûté » par le poète, il l’avoue, mais n’en perd par son œil critique pour autant, et ne résiste pas à donner quelques exemples du « mauvais goût » dans lequel Claudel sombre parfois : « C’est vrai, c’est éclatant, c’est d’une évidence consternante que Claudel se précipite quelquefois tête baissée, et avec une espèce d’entrain épouvantable, dans les gouffres du mauvais goût. » (p.133).
J’ose dire que j’adore Guillemin pour ce genre de déclaration !
La reconnaissance du génie de Paul Claudel et le fait de pouvoir en témoigner publiquement ont certainement été à l’origine de l’émotion manifestée sur scène par Henri Guillemin.
Et peut-être aussi la découverte d’une secrète et profonde similitude entre deux tempéraments, aussi à l’aise dans le murmure que dans la vocifération… ?
Catherine Dubuis
14 juillet : Il y a 232 ans, tombait une bastille
On a récemment célébré avec tambours et trompettes le 200e anniversaire de la mort d’un des premiers laquais de la Domination.
On a édulcoré l’anniversaire d’une expérience politique alternative à cette même Domination, qui fut réprimée à coups de canons.
Pour notre part, nous célébrons aujourd’hui le 232eme anniversaire de la prise de la Bastille, acte 1 d’une Révolution française, dont les idéaux continuent de vibrer aujourd’hui, en France et dans le monde, et dont Guillemin, à travers ses travaux, ses conférences et ses écrits, reste une référence incontournable.
Les conférences de Guillemin sur la Révolution française, il faut les (re) lire/écouter/voir.
Guillemin fit, sur ce sujet, de nombreuses conférences filmées à la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone).
Nos longues recherches pour obtenir les vidéos de ces conférences firent chou blanc. Les services techniques de ce média belge nous apprirent, tout penauds, que les films avaient été rongés par des parasites au point d’être définitivement irrécupérables.
C’était sans compter sur le prosélytisme de Guillemin qui donna à peu près les mêmes conférences en Suisse, à la RTS. (Radio Télévision Suisse).
Bonne nouvelle, les conférences vidéo sur la Révolution française sont désormais, pour le bonheur de tous, accessibles en ligne grâce à un admirateur de Guillemin, Benoît Daroussin, animateur du site « La chaîne qui libère » sur lequel, on peut voir/écouter le cycle des 13 conférences (cliquez ici).
Et pour complément, rappelons ces titres :
E.M.
Ce livre est la transcription et la mise au net d’enregistrements des conférences données par Henri Guillemin à la Radiotélévision belge en 1967 sur l’histoire de la Révolution française. Guillemin donne ici une vision fort différente de celle de nos manuels scolaires….
L’histoire sérieuse n’a pas encore mis en lumière la place qu’a tenue, dans la Révolution française, et dès le début, la crainte, chez les possédants, d’une menace sur leurs biens.
Ce qu’il faut savoir, et capitalement, c’est que, dès la réunion des Etats généraux, une grande peur s’est déclarée chez les honnêtes gens (les gens de biens, les gens qui ont du bien, des biens), face à ceux que l’on va exclure du droit de vote et de la garde nationale : les non-possédants, les gens de rien.
Robespierre avait bien, en effet, une mystique – au moins au sens où l’entendait Péguy. La mystique républicaine, disait Péguy, c’est qu’on se faisait tuer pour la République ! Il se trouve que c’est exactement le parti qu’adopta Robespierre.