Comme souvent dans les titres de Guillemin, un élément intrigue, et c’est celui qui donne accès à l’essentiel. Le nom de Jaurès reste si connu qu’on s’imagine bien savoir ce qui, avant même sa mort tragique, a fait de lui un symbole : en ce tribun s’incarne le socialisme français d’avant 14.
Guillemin, sans le nier, veut dégager ce qui comptait vraiment pour lui, son « arrière-pensée ».
Dans le texte même, il est plus explicite : c’est la « métaphysique » de Jaurès qui l’intéresse.
À droite comme à gauche, en effet, on a fait comme si cet agrégé n’avait jamais écrit sa thèse de philosophie, dont l’idée centrale, au rebours du positivisme en vogue, est clairement spiritualiste : à droite, un Jaurès athée était plus facile à haïr comme l’ennemi des gens de bien(s) ; à gauche, un Jaurès croyant n’eût pas été un révolutionnaire recevable.
Pourtant, dit Guillemin, ce sont « ces certitudes métaphysiques sur lesquelles vivait Jaurès » qui permettent de comprendre son action ; ce bref livre de 1966 le montre à travers un portrait vif et sensible de l’homme public et privé.