Cet essai, publié chez Plon début 1939, est le premier livre “libre” de Guillemin, après ses travaux d’universitaire sur Lamartine et parallèlement à son approche passionnée de Rousseau. À la fin de sa vie il jugeait ces pages « naïves ».
Relues aujourd’hui, elles apparaissent au contraire d’une fraîcheur réjouissante. On peut certes “tiquer” devant sa vision christianisée de Flaubert : « Son œuvre, dont il affectait de dire qu’elle n’était qu’un “divertissement” pour échapper à l’horreur de tout, c’est au contraire son témoignage, son service, sa prière aussi, son adhésion passionnée à ce qui survit au monde, l’enveloppe, l’explique et l’accomplit ».
Mais il faut remettre les choses dans leur contexte : à l’époque où s’écrit ce livre, et où Mauriac lui donne une vigoureuse préface, la guerre d’Espagne n’est pas finie ; face à l’hypocrisie des bien-pensants, Mauriac comme son cadet ont pris parti pour la république et la liberté ; Flaubert, attaqué en justice par les mêmes bien-pensants de l’ordre moral, devient pour eux un allié objectif, en dépit de la chronologie, car, dit Mauriac, il a « préserv[é] en lui jusqu’à la fin de sa vie une candeur qui ne trompe pas, une secrète enfance » : il fait souffler sur le monde un vent salubre.