Introduction
C’est à la fois un plaisir et une chance d’avoir pu rencontrer Marie Duval.
Grand merci à nos réseaux, amis et relations professionnelles.
Le sujet qu’elle traite s’inscrit parfaitement dans la démarche que nous avons adoptée voici bientôt dix ans pour l’organisation de nos colloques « Henri Guilemin ».
En effet, à partir des travaux de Guillemin, les actualiser par d’illustres nouveaux travaux contemporains dans le but d’offrir au public une pensée critique utile pour comprendre l’aujourd’hui, est notre objet.
Et il ne faut pas oublier la forme : les bâtir avec un pas de côté par rapport à leurs illustres analogues, à savoir les ouvrir à la pluridisciplinarité et accueillir d’autres disciplines connexes au sujet, telles les Arts de la Représentation, l’Histoire de la pensée philosophique et économique ou la Littérature.
D’où les travaux de Marie Duval.
En cela, nous ne faisons que suivre humblement le propre engagement d’Henri Guillemin, initialement Homme de Lettres, mais dont les travaux d’investigation l’amenèrent rapidement à adopter une démarche d’historien critique, d’abord dans le champ de l’Histoire littéraire, puis dans celui de l’Histoire politique.
Cette lecture critique, « guilleminienne », de l’Histoire, propre à Henri Guillemin, vous le savez, chers adhérents, chers abonnés, chers sympathisants, elle se diffuse via Internet, et reçoit une audience inouïe.
Et les statistiques se mirent à parler.
Voici les chiffres officiels tout frais que nous donnons à cette occasion. (derniers chiffres septembre 2022/septembre 2023 : conférences sur l’Affaire Pétain : 112118 vues ; conférences sur la Commune : 128900 vues, etc).
Au sujet de la pluridisciplinarité, nous rappelons que, suite à notre colloque sur la Commune (Sorbonne Nouvelle, le 19 novembre 2016. Pour voir les vidéos des interventions, cliquez ici), nous nous étions déjà interrogés sur la façon dont le cinéma, né un quart de siècle après l’immense événement politique de la Commune, avait pu s’emparer de ce sujet hautement dramatique pour ses propres créations artistiques, en tant que 7ème Art.
Ce qui avait donné cette newsletter qui fit date.
Elle est toujours disponible en cliquant ici .
En toute modestie, nous vous recommandons de la (re)lire. Sa lecture permet d’aimer autrement le cinéma, ses artisans, ses militants, ses talentueux artistes qu’il faut considérer comme des combattants de la pensée critique, opérant dans le pire des milieux, celui de l’argent.
Nous poursuivons ainsi nos entretiens avec les intervenants à notre prochain colloque.
Ci-dessous, celui de Marie Duval.
Marie Duval est professeur certifié de Lettres modernes.
Elle est actuellement doctorante en Arts du spectacle à l’université de Caen-Normandie sous la direction de Chantal Meyer-Plantureux et Myriam Juan pour une thèse consacrée à « Dreyfus sur la scène internationale : l’Affaire au théâtre et au cinéma sous la Troisième République ».
En 2020, elle publie « L’affaire Dreyfus sur la scène internationale : cinéma et censure » dans la revue Double Jeu et « Dreyfus au théâtre à l’heure de l’Affaire (1895-1906) » dans la Revue d’histoire culturelle.
Interview exclusive de Marie Duval
Vous avez consacré un certain nombre de vos travaux à l’étude du rapport entre l’Affaire Dreyfus et sa représentation artistique au cinéma et au théâtre. Avant d’aborder le sujet de votre thèse Dreyfus sur la scène internationale : l’Affaire au théâtre et au cinéma sous la Troisième République, nous allons parler de l’important article L’affaire Dreyfus sur la scène internationale : cinéma et censure que vous avez publié pour la revue Double Jeu en 2020.
Comment expliquer qu’en France, pays de naissance du cinéma, la censure puisse interdire les films sur l’Affaire jusque dans les années 1950 ?
C’est dans leur dimension partisane qu’il convient de trouver les raisons de l’interdiction de ces films en France.
En effet, les films sur l’affaire Dreyfus, français et étrangers, étant exclusivement dreyfusards, et l’innocence de Dreyfus étant officiellement reconnue en 1906, il n’apparaît pas souhaitable de (re)mettre en lumière un événement associé à l’erreur et, avec elle, à la défaite de l’armée française, qui plus est à une époque affaiblie par deux guerres mondiales.
Ainsi, c’est principalement en raison de l’image de l’armée qu’ils véhiculent que ces films sont interdits. Montrer l’innocence de Dreyfus reviendrait à montrer la faillibilité de l’armée.
Officiellement, c’est pour éviter le scandale, l’agitation et les troubles à l’ordre public que ces films sont empêchés.
Aussi peut-on lire, par exemple, dans La Liberté du 12 août 1930, au sujet du film de Méliès sur l’Affaire :
« À la première projection, si neutre que fût la présentation du film, la salle se divisa en deux camps. Les uns et les autres accusèrent Méliès d’avoir trahi la vérité. Puis, ils se jetèrent, à coups de canne et de poing, les uns sur les autres, et, finalement, la police dut interdire le film. »
Pourtant, quand ce film est projeté en 1899, la censure cinématographique n’existe pas encore – elle n’est créée qu’en 1916 – mais son effectivité précède sa création officielle.
Finalement, ce n’est qu’en 1959, près d’un demi-siècle après la réhabilitation de Dreyfus, que les Français peuvent observer sur les écrans un film sur l’Affaire, non censuré, non amputé (L’Accuse de José Ferrer, réalisé en 1958).
Il faut ensuite attendre 1965 et 1978 pour que soient réalisés en France un court-métrage d’abord (L’Affaire Dreyfus de Jean Vigne), une mini-série ensuite (Zola ou la Conscience humaine d’Armand Lanoux et Stellio Lorenzi) sur l’affaire Dreyfus.
Enfin, ce n’est qu’en 2019, soit plus d’un siècle après la fin de l’Affaire, que Dreyfus apparaît à nouveau sur les écrans de cinéma français avec J’accuse de Roman Polanski.
Pendant ce temps, l’étranger se montre beaucoup plus fécond avec, depuis la fin de l’Affaire, cinq longs-métrages sur le sujet et plusieurs téléfilms.
Vous dites que « étrangement, si l’époque est à l’antisémitisme, il n’existe aucun film antidreyfusard. En effet, pendant l’Affaire, le cinéma prend unanimement le parti du capitaine français. ». Comment expliquer cette singularité ?
La prédilection pour le camp dreyfusard n’est pas une spécificité cinématographique. Le théâtre, avant le cinéma, et de façon beaucoup plus prolifique en témoigne dès les premières années de l’affaire Dreyfus.
Il faut, je crois, pour comprendre cela, mesurer la dimension dramatique de l’Affaire. En effet, c’est bien avant son adaptation sur les planches que l’affaire Dreyfus revêt un caractère éminemment dramatique. C’est même sans doute en raison de ce caractère qu’elle parvient ensuite au théâtre puis au cinéma.
L’Affaire est dramatique au sens étymologique, c’est-à-dire qu’elle est destinée au théâtre – et au cinéma – parce qu’elle est dramatique au sens figuré, c’est-à-dire qu’elle suscite une vive émotion.
Cette émotion trouve son apogée dans la figure de l’innocent, du martyr, de la victime de l’erreur judiciaire.
En effet, un innocent condamné au bagne suscite plus de pitié qu’un traître condamné pour le crime qu’il a commis. En ce sens, la vérité dreyfusarde de l’Affaire apparaît particulièrement adhérente à la fiction dramatique et cinématographique, comblant les attentes des spectateurs.
Par ailleurs, et notamment à partir de 1906, année de la réhabilitation de Dreyfus, il semble difficile et délicat d’ériger en antihéros de cinéma un personnage dont l’innocence a été reconnue et prouvée, et, avec elle, la responsabilité de l’armée.
Enfin, rappelons que le corpus cinématographique de l’Affaire est majoritairement étranger, or l’étranger est dreyfusard.
Vous expliquez que la censure française va se révéler contre-productive car c’est à l’étranger qu’un nombre important de films sur l’Affaire vont être réalisés, qui plus est, clairement dreyfusards. Quelle est la situation sur cette scène internationale ? Quels étaient les pays productifs ? Quelle était la nationalité des réalisateurs ? Peut-on établir un lien entre les producteurs hollywoodiens, majoritairement juifs, et les réalisateurs ? Quelle était la part entre fictions et documentaires ?
L’étranger est essentiellement dreyfusard et c’est hors des frontières françaises que l’on compte la très grande majorité de la production dramatique et cinématographique sur le sujet.
S’il existe en France quelques pièces de théâtre antidreyfusardes, très minoritaires et marginales, à l’étranger, en revanche, les productions dramatique et cinématographique sont (selon nos recherches) exclusivement dreyfusardes.
Les États-Unis sont incontestablement les plus productifs, occupant à eux seuls une part importante du corpus cinématographique de l’Affaire et s’y intéressant très tôt. Si l’on tend souvent à faire du film de Méliès le premier film sur l’Affaire, il est en réalité devancé par l’American Mutoscope and Biograph Comapny qui réalise, dès 1898, de courts films d’actualités, tantôt reconstituées, tantôt authentiques.
Il ne s’agit pas tant, à cette heure précoce, de prendre parti pour Dreyfus que de montrer l’événement.
En dépit de ces quelques actualités authentiques filmées à l’occasion du procès de Rennes, et dont les images témoignent davantage d’une prouesse technique qu’elles ne constituent un intérêt historique, les films sur l’Affaire sont des œuvres de fiction, parfois inspirées, d’ailleurs, de pièces de théâtre.
Ce sont dans les années 30 que se multiplient les longs-métrages sur l’Affaire.
D’abord en Allemagne avec Richard Oswald, ensuite en Angleterre avec Friedrich Kraemer et Milton Rosmer, enfin aux États-Unis avec William Dieterle.
Ces réalisateurs sont tous d’origine allemande et – à l’exception de Dieterle – juive.
Si leurs films n’abordent pas directement la question de l’antisémitisme (comme souvent dans le théâtre dreyfusard), ils questionnent toutefois la montée en puissance des totalitarismes.
Pour cette raison, le film d’Oswald est interdit par l’Allemagne nazie.
Votre intervention à notre prochain colloque, le 18 novembre, s’intitule « Une affaire dramatique : Dreyfus au théâtre et au cinéma ». Sans déflorer votre exposé, quelle était la situation pour le théâtre ? La création théâtrale subissait-elle la même censure que la création cinématographique ?
Il convient de préciser que le théâtre, qui sous la Troisième République exerce sur la société une influence considérable, s’est montré beaucoup plus prolifique que le cinéma sur l’Affaire. Cette puissance passée du théâtre, son efficacité et la diversité du public qu’il convoque justifient et légitiment le choix de nombre d’auteurs pour ce genre plutôt qu’un autre.
En effet, nos recherches nous ont permis de faire émerger une soixantaine de pièces de théâtre créées entre 1895 et la fin des années 30. Une majorité de cette production est étrangère et, de surcroît, dreyfusarde. L’Affaire apparaît principalement sur les scènes européennes, nord et sud américaines.
La censure régnant en maître sur le théâtre français jusqu’en 1906, la majorité des pièces dreyfusardes de cette époque doit se contenter de petites scènes, marginales et populaires, à une époque où il est interdit de porter le politique sur les planches. Cette marginalisation forcée par la censure affecte à la fois le nombre de représentations et la postérité de ces pièces.
C’est à une censure à deux vitesses que sont confrontées ces œuvres. Elles doivent, d’abord, obtenir un visa, ensuite, passer la première représentation sans occasionner de troubles à l’ordre public. C’est ainsi que Les Loups de Romain Rolland sont interdits à l’issue de leur création au théâtre de l’Œuvre le 18 mai 1898.
Bientôt, l’étranger, dreyfusard, apparaît comme un moyen de passer outre la censure française. On y joue des pièces interdites en France.
L’inquiétude est telle que les diplomates français interviennent à de nombreuses reprises pour les faire interdire.
Marie-Christine Kok-Escalle, qui a travaillé sur la réception de l’Affaire aux Pays-Bas, explique qu’ils parviennent, en 1897, à faire interdire Dreyfus ou le martyre de l’île du Diable, un drame néerlandais d’Anton Van Sprinckhuyzen, à La Haye.
Le pouvoir de ces diplomates, toutefois, atteint ses limites et la pièce est reprise à Amsterdam.
Finalement, les moyens déployés par les politiques et les diplomates français pour interdire ces pièces en France et à l’étranger témoignent de la menace qu’elles représentent aux yeux des autorités françaises.
En réalité, comme pour le cinéma, la censure n’est pas la condition sine qua non à l’interdiction d’une œuvre. Les troubles à l’ordre public constitue un motif suffisant. Pour cette raison, des pièces sont encore interdites après l’abolition de la censure en 1906.
Ainsi, en 1931, au théâtre de l’Ambigu, les représentations de L’Affaire Dreyfus de Jacques Richepin (adaptée de la version allemande de Rehfisch et Herzog) entraînent des dizaines d’arrestations. Le tapage est tel dans la salle (gaz, boules puantes…) et dans la rue (bagarres, manifestations…) que le retrait de la pièce est exigé.
Ce qui nous amène à cette vaste question concernant à la fois la manière de faire éclater les vérités cachées et aussi de sensibiliser le public le plus large. Prenons Henri Guillemin. Il atteignait cet objectif par son exemplaire détermination, ses travaux de recherches, sa conviction et son talent de conférencier. Certains ont même parlé de son art de la mise en scène. Mais il va plus loin que son travail radical de démythification (tant en Littérature qu’en Histoire). En cherchant à débusquer la vérité profonde, transcendantale d’une trajectoire humaine singulière, ou la valeur cardinale d’un principe moral ou politique, il génère chez le spectateur une très grande émotion, et là nous atteignons l’universel.
Concernant la singularité propre du théâtre comparativement à celle du cinéma, Alain Badiou a dit que le théâtre est un problème philosophique en acte, joué sur scène par des êtres vivants. Là réside le choc émotionnel ; Gilles Deleuze a dit que le cinéma montrait la vie commune, mais de façon surréelle, en cristallisant, à travers les films, les grandes valeurs qui animent l’existence humaine, d’où son immense puissance d’évocation romanesque et d’éveil critique. Pour l’Affaire Dreyfus, la Justice, la lutte contre le racisme, comme valeurs suprêmes.
Ainsi cette question : si le Pouvoir censurait aussi fortement le cinéma, bien plus que le théâtre, n’était-ce pas aussi par crainte, par peur, de cette puissance d’évocation propre au 7e art, puisque « la foule ne bouge que lorsqu’elle est émue » ?
Si le Pouvoir donne l’impression de censurer bien plus fortement le cinéma que le théâtre, c’est peut-être en partie parce que ce premier ne possède pas l’alternative salutaire du second, à savoir l’édition.
En effet, si la scène est soumise à la censure jusqu’en 1906, l’édition quant à elle ne l’est pas et de nombreux textes interdits à la scène y sont publiés. Cette liberté relative du théâtre lui permet alors d’exister malgré tout.
Si la scène inquiète davantage que l’édition, c’est que le mot prononcé est jugé beaucoup plus dangereux que le mot écrit. Aussi ne suis-je pas certaine que la puissance d’évocation soit propre au 7e art. Il ne faut pas sous-estimer la puissance du théâtre au XIXe siècle et, encore, au début du XXe siècle.
Au théâtre, le « choc » évoqué par Alain Badiou peut être d’autant plus violent que l’Affaire possède déjà en elle-même une charge émotionnelle très importante que la scène décuple.
Si le théâtre dreyfusard émeut au sens littéral – il éveille la sympathie –, il émeut aussi et surtout au sens étymologique : il met en mouvement.
En ce sens, le cinéma et le théâtre dreyfusards émeuvent tous deux.
En viennent aux mains tantôt les spectateurs de Méliès, tantôt ceux de Richepin.
De façon générale, et pour finir, que pensez-vous du décalage entre la très forte charge dramatique inhérente aux grands événements historiques (Affaire Dreyfus, la Commune, la Débâcle de 1940, la guerre d’Algérie, voire les révolutions françaises, qui sont autant de « gisements » de bons scénarios), et leur pauvre traduction en termes de création artistique, théâtre et cinéma ?
Pour ce qui est de l’affaire Dreyfus, sa traduction en termes de création artistique est bien plus importante – au moins sur le plan quantitatif – que ce que l’histoire a retenu. Voici quelques chiffres pour en rendre compte.
À partir de 1895 et sur la seule période de l’Affaire, le théâtre international produit une quarantaine de pièces de théâtre sur le sujet ; après la réhabilitation de Dreyfus et jusqu’à la fin des années 30, une vingtaine de pièces s’ajoute encore à ce corpus. Pendant ce temps, le cinéma(tographe) produit quant à lui une vingtaine de films, allant du court-métrage d’actualités muet au long-métrage de fiction parlant.
Il faut tenir compte, pour ce second corpus, de la jeunesse du cinématographe, né après le début de l’Affaire, et, dans ce contexte, relativiser la pauvreté de la production.
Le film de Méliès est d’ailleurs considéré comme le premier film de fiction politique de l’histoire du cinéma, attestant l’intérêt du médium naissant pour l’affaire Dreyfus.
Aussi, convient-il, je pense, de poser la question différemment et de s’interroger sur les raisons qui font qu’une importante majorité de ces pièces et de ces films ne parvient pas à franchir le cap de la postérité.
Si les pièces sur l’Affaire n’ont pas connu la postérité d’un J’accuse… ! ou d’un Jean Barois, elles possèdent souvent néanmoins la même ténacité et la même violence. La littérature dramatique, bien que considérablement oubliée, est un outil majeur dans la lutte dreyfusarde, par sa double capacité à émouvoir et à mettre en mouvement.
Ces pièces comme ces films traduisent finalement une prise de conscience relativement précoce (première pièce en 1895, premier film en 1898) et pourtant les auteurs semblent déjà avoir le recul nécessaire pour saisir ce qui se joue en France.
Même s’il existe aujourd’hui une actualité toujours vive – la création récente du Musée Dreyfus en témoigne – et s’il se joue encore des pièces sur l’Affaire – on joue, à l’heure où nous parlons, Les Téméraires de Julien Delpech et Alexandre Foulon à la Comédie Bastille à Paris –, les pièces dreyfusardes produites sous la Troisième République sont aujourd’hui boudées et oubliées par la scène française.
C’est que l’intérêt que nous portons aujourd’hui à l’Affaire a été déplacé. Nous n’avons plus les mêmes références, et cet événement que le XIXe siècle a pu lire, par exemple, à la lumière de la Révolution française (Les Loups de Romain Rolland), nous le lisons désormais à la lumière des deux conflits mondiaux et du traumatisme de la Shoah.
C’est pourquoi, alors même qu’une majorité des dramaturges de la Troisième République a pris soin de désolidariser Dreyfus de son identité religieuse afin d’en faire une victime universelle, un symbole de l’erreur judiciaire, l’histoire européenne a considérablement recentré l’affaire Dreyfus sur la question juive.
Par ailleurs, même si les auteurs, en dépouillant Dreyfus de son identité, permettent une universalisation des valeurs, certaines critiques – à l’égard de l’armée ou de l’église, par exemple – ne semblent plus résonner avec les préoccupations actuelles.
De fait, les pièces écrites plus récemment sur l’Affaire ne portent plus tant sur la critique des institution que sur la question juive.
C’est le cas de Dreyfus… de Jean-Claude Grumberg, créé au théâtre de l’Odéon en 1974, qui évoque l’antisémitisme dans la Pologne des années 30.
Paradoxalement, donc, les pièces que l’on a oubliées sont celles qui se réfèrent le plus directement à l’affaire Dreyfus. À l’inverse, la seule a avoir véritablement accédé à la postérité – Les Loups de Romain Rolland – est celle qui s’y réfère le moins directement, transposant l’événement pendant la Révolution française.
Comme Rolland, nombre de dramaturges font de Dreyfus un prétexte pour défendre des valeurs universelles.
L’Affaire, cependant, semble trop exceptionnelle et trop inouïe pour se restreindre à un prétexte. De ce fait, les pièces dreyfusardes produites sous la Troisième République sont sans doute trop ancrées dans la réalité d’une époque, trop adressées à un public qui connaît par cœur les méandres de l’Affaire et en fait son pain quotidien.
Ces pièces, pour ces raisons, ne parviennent pas à interpeller le public des siècles suivants et à s’imposer comme des œuvres dramatiques littéraires et pérennes.
Colloque Henri Guillemin :
les inscriptions sont ouvertes
Dans un mois le samedi 18 novembre 2023, s’ouvrira à l’Ecole Normale Supérieure (Ulm), salle Dussane, le colloque consacré à l’Affaire Dreyfus sur le thème : « L’affaire Dreyfus et son temps. Enjeux politiques et interprétations ».
Sur une journée entière, une équipe de sept éminents intervenants, spécialistes de Zola et de l’Affaire, s’attachera à présenter les différentes facettes de ce scandale d’Etat.
Le programme est prêt.
Les inscriptions sont ouvertes.
Pour s’inscrire, il suffit de cliquer ici.
Vous arriverez alors sur la page du programme. Ensuite, cliquez sur le gros bouton rouge pour effectuer votre inscription.
Arrivé sur le site marchand dédié, il vous suffit de choisir la quantité de places que vous désirez en cliquant sur l’onglet « Quantité ». Et tout se conclut logiquement.
NB. La salle Dussane dispose d’une capacité de 175 places. Il est interdit de vendre en surnombre. Donc, ne tardez pas !
Pour s’inscrire au colloque, cliquez ici.